UNTITLED MAGAZINE
Anouk Lejczyk, jeune auteure de la scène française sensible à la nature et l’environnement, signe avec Felis Silvestris aux éditions du Panseur un premier roman écologique, fraternel et hypnotique.
Deux sœurs. L’une d’entre elles s’est échappée de notre société actuelle pour rejoindre un campement militant dans la forêt. Loin du confort de la ville, Felis Silvestris - chat sauvage en latin - renoue avec son instinct, ses convictions et son existence.
“Et ta soeur, elle en est où, elle fait quoi ?”
C’est une question martelée tout au long du récit. Une question intrusive que l’entourage, les connaissances et les curieux posent : où est-elle donc passée ? Que fait-elle ? Elle a disparu sans donner de nouvelles. Mais comme pour les autres, les nouvelles sont absentes. Ce texte, c’est une lettre ouverte à cette sœur partie vivre sa vie dans les bois. C’est un dialogue imaginaire murmuré. Un monologue interne et un lieu où les pensées tournent en boucle. De l’inquiétude aussi. De l’espoir. Coupé de tout moyen de communication, on ne peut qu’imaginer et souhaiter le meilleur.
“La Louve se retourne vers toi et te demande ton nom, ton nom de forêt, ton nom à toi. Un nœud de huit se forme dans ton ventre vide : même ici, il te faut choisir. Même ici, on attend de toi quelque chose de net, d’arrêté, qui te définira pour le reste de ton séjour et, qui sait, pour le reste de ta vie. (...) Felis silvestris : ah tiens, pas mal (...) et puis le chat sauvage, voyons voir, oui, le chat sauvage, mais oui, c’est tout à fait moi. Felis, appelez-moi comme ça.”
Felis Silvestris
Tous les regards semblent tournés vers Felis, mais ce que vit Felis dans le bois n’est pas si différent de ce que vit sa sœur dans la ville. Toutes deux errent et cherchent des réponses. Pendant que Felis s'accommode et s’intègre à sa nouvelle communauté, sa sœur flotte, squatte chez des amis, des connaissances, puis la famille ; comme Felis, elle n’a pas de réel chez elle. Les deux sont dans un entre-deux. Toutes deux cherchent à être pleinement elles-mêmes en se détachant du passé et de la pression familiale. C’est une quête d’identité où pour chacune l’environnement a un rôle salvateur.
"Être la même chaque jour : tu ne pouvais pas. Être celle qu’on attendait que tu sois : tu ne voulais pas. Te satisfaire de cette vie-là : impossible ! (...) Tu n’as pas chuté, tu ne t’es pas brisée. Tu as simplement bifurqué sur le chemin d’à côté. (...) Tu t’es mise à faire du stop, à voyager clandestinement dans les trains. (...) Ca fait longtemps aussi que je n’ai pas eu de lieu fixe moi non plus. (...) Je m’étais inventé un but : toute la journée je marchais. Le soir ; j’improvisais des prières que je j’adressais à différents étoiles - tu avais la tienne.”
Dans la lignée du nature writing et du roman d’apprentissage, Felis Silvestris est l’un de ces récits envoûtants, poétiques et sensoriels, qui nous portent loin et nous offrent une vision lucide et avisée sur le rapport entre l’Homme et l’environnement.
"Felis Silvestris", Anouk Lejczyk, éditions du Panseur, 192 pages, 17 euros.
