Pour la septième année consécutive, tout l’été, et chaque semaine, Untitled Magazine vous propose trois livres à lire. Que vous soyez dans votre maison de campagne, au bord de la plage, entre amis ou encore au travail, vous devriez trouver votre bonheur.

Coeur du Sahel, Djaïli Amadou Amal

Faydé vit dans les montagnes dans l'extrême-nord du Cameroun. Dans son petit village natal, elle tente tant bien que mal de survivre avec sa mère, ses frères et sa sœur. Son beau-père, lui, est porté disparu depuis une razzia de Boko Haram. Décidée à aider sa famille à survivre, la jeune fille décide de partir à Maroua, la ville la plus proche, pour devenir domestique. Pour l’héroïne, ce n’est pas une fin en soi mais surtout un moyen pour aider financièrement sa mère mais aussi pour continuer ses études universitaires.

Avec ses yeux de jeune fille, Faydé découvre le monde de la haute société camerounaise. Au fil de son apprentissage dans ce village, la romancière confronte constamment ses rêveries d’adolescentes à la réalité de la société mettant en avant deux fléaux : Boko Haram et la ville. D’une part, l’un des principaux groupes terroristes d’Afrique de l’Ouest est une menace et la cause du déracinement de la jeune fille, d’autre part elle est confrontée à la terrible réalité de sa condition : elle n’est “qu’une fille des montagnes, domestique et chrétienne”. 

Deux ans après Les impatientes, Djaïli Amadou Amal explore à nouveau la difficulté d’être une femme au Cameroun. Elle évoque également les relations amoureuses interdites entre classes et ethnies différentes, l’accès presque impossible à l’éducation et la sécheresse qui ravage les cultures. Un roman au sujet brûlant sur la condition des femmes dans le Sahel vu non plus à travers le prisme “des Impatientes” mais de leurs domestiques.

Critique rédigée par Marie Heckenbenner

"Coeur du sahel", Djaïli Amadou Amal, Editions J'ai Lu, 288 pages, 7,80 €

La rouille, Eric Richer

Noi vit avec son père dans une casse automobile d'un pays d'Europe de l'est. Depuis la mort de son chien, abattu par son grand-père qu'il déteste, le jeune garçon erre entre les piles de voitures et se réfugie à leur sommet pour sniffer des produits chimiques et s'évader de son quotidien dès qu'il le peut. Roulant à toute vitesse en quad ur les routes défoncées, il s'offre des instants de liberté pure qui lui permettent de survivre tant bien que mal dans la misère et le désoeuvrement de sa vie. Sa mère l'a abandonné, son amie Minttu a fui aussi : il faut être fou pour rester dans un tel endroit, pense-t-il...

D'autant plus que la date de son Kannost approche. Espèce de rite initiatique violent et sauvage censé marquer le passage de Noi à l'âge adulte, le Kannost est l'apanage de son grand-père, forme de tyran des temps anciens vénéré par son entourage. Noi ne souhaite rien d'autre que d'y échapper, autant littéralement que métaphoriquement, pour rester encore un peu dans ce qu'il lui reste d'enfance - bien que toute l'innocence semble bien s'être envolée avec les vapeurs des solvants chimiques.

Récit d'apprentissage qui met en scène la collision entre deux mondes, La rouille oppose à l'archaïsme des traditions violentes et imposées les rêves de liberté et d'émancipation d'un jeune garçon qui rêve de douceur et d'amour. Eric Richer crée des personnages tout sauf stéréotypés, enfermés bien malgré eux dans la pauvreté et la violence - et donne à Noi un oncle sensible avec qui avoir des échanges et tenter tant bien que mal de conjurer l'horreur de sa situation.

La rouille est le premier livre de poche de la nouvelle collection Sirènes des Editions de l'Ogre à laquelle on souhaite une longue vie !

Critique rédigée par Mathilde Ciulla

"La rouille", Eric Richer, Editions de l'Ogre/collection Sirènes, 360 pages, 13€

Sex and the series, Iris Brey

De Girls en passant par Grey’s Anatomy ou encore Big Little Lies et Fleabag, toutes ces séries ont comme point commun de traiter de la sexualité des personnages féminins. Même si ce n’est pas l’intrigue première de ces séries, les personnages féminins sont souvent au cœur des intrigues. Ce qu'Iris Brey cherche à mettre en valeur dans cet essai, c’est le traitement qu’on réserve à la sexualité féminine dans les séries d’aujourd’hui.

Du male gaze qui s’applique de la part des réalisateurs producteurs, de celui des personnages féminins ou encore des consommateurs de ces séries, Iris Brey expose les problèmes relatifs au regard biaisé qu’on porte encore sur les femmes dans leur intimité.

Dans un soucis d’exhausitivité, Iris Brey montre aussi que la caractérisation de cette intimité est différente selon les femmes, si elles sont valides ou handicapées, si elles sont trans ou bien lesbiennes, si elles sont racisées ou non. Autant d’éléments de comparaison que de sexualités différentes.

Cet essai nous donne un nouvel éclairage sur ces séries parfois mythiques et sur le chemin qu'il reste à parcourir concernant la vision des femmes. Essai à la fois sensible et accessible, Iris Brey fait appel à nos souvenirs avec ces séries tout en les explicitant sous un angle sociologique et philosophique. 

Critique rédigée par Mathilde Jarrossay

"Sex and the series", Iris Brey, Editions Points, 256 pages, 7,90€

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