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“Bientôt les vivants”, un livre de Amina Damerdji

16 février 2024, par Marie Heckenbenner

Avec “Bientôt les vivants”, Amina Damerdji signe un livre fort et puissant sur la décennie noire algérienne. Une plongée en pleine guerre civile qui ne laisse personne indifférent. 

“Les ruelles de Sidi Youcef n’étaient pas éclairées. Il fallait se contenter du halo des fenêtres pour guider ses pas. Les familles dînaient la porte entrouverte ce soir-là. Moins pour l’air doux de la fin de l’été que pour le nif, le nez altier, l'orgueil de montrer qu’elles n’avaient pas peur.”

Septembre 1997. A Sidi Youcef, dans la banlieue d’Alger, un drame se produit en début de soirée. Il fait chaud, c’est encore l’été, chacun profite de l’air frais dans le quartier. Mais c’est alors que des dizaines d’hommes armés se ruent dans les habitations et les immeubles pour y massacrer les occupants. Hommes, femmes, enfants, tous sont visés et assassinés sans état d’âme.

Une enfance sous fond de révolution populaire

Dès lors, on remonte le temps jusqu’en octobre 1988, neuf ans plus tôt, là où tout a commencé. Et c’est à travers les yeux de Selma, une adolescente passionnée d’équitation que la romancière a choisi de conter son histoire.

Autour de la jeune fille gravitent Brahim son père - un médecin passionné, progressiste qui vient tout juste d’être nommé chef du service de pédiatrie -, sa mère - qui au fil des jours se réveille et se découvre un intérêt pour les droits de l’homme -, son oncle Hicham, avocat, traumatisé dans son enfance et séduit depuis peu par l’islamisme, et la grand-mère Mima, bien décidée à couver ses fils malgré leur âge et leurs différences. 

Mais entre fusillades, assassinat du président Boudiaf et liquidation des journalistes, la jeune fille n’a qu’une idée en tête : retrouver son cheval. Pour galoper, encore et encore, crinière au vent, et ainsi oublier les déchirements de son pays. Et alors que le mouvement islamiste monte en puissance, c’est dans la relation avec son cheval que Selma trouve un échappatoire à la violence des hommes. “Depuis que le premier tour des élections avait été reporté et que les militaires étaient à nouveau entrés dans Alger, les disputes entre Brahim et son frère, de nature politique - religieuse, selon Hicham, simples relents de l’enfance selon Mima, ne cessaient plus. Dès que Selma poussait la porte du box de Sheitane, elle oubliait les cris et les mines moroses”.

L’Algérie de 1988 à 1998

Amina Damerdji reconstitue à sa manière le contexte de l’époque et entremêle petite et grande Histoire pour raconter cette période sombre qu’a traversé l'Algérie. “Aïcha courut à travers le village. Ses jambes tremblaient et son cœur battait si fort qu’il semblait vouloir sortir de sa poitrine. Elle connaissait le mot, dhabahine, les égorgeurs. Dhabahine, dhabahine”.

Avec un style d’écriture très imagé, elle plonge le lecteur en plein cœur de l’Algérie, aux côtés de ceux qui s’opposaient aux islamistes, de ceux qui avaient un penchant pour le FIS mais aussi de ceux qui pendant longtemps ont joui de cette situation confuse pour s’enrichir. 

Sous fond de révolution populaire, l’autrice livre un récit marqué par la violence mais aussi par la passion et l’attachement que porte Selma à son cheval. Une amitié fusionnelle auprès de laquelle elle trouvera refuge durant les moments les plus noirs de l’Histoire. A travers le portrait d’une jeune fille en proie à la liberté, Amina Damerdji nous transporte dans les heures tourmentées de l'Algérie et rend un émouvant hommage à son pays.

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"Bientôt les vivants", Amina Damerdji, Editions Gallimard, 288 pages, 21,50 €




auteur
Amoureuse des livres et dénicheuse de bons restos🍷 Journaliste et fondatrice d'Untitled Magazine. Pour la joindre : m.heckenbenner@untitledmag.fr


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