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Bernard Guetta, le vieux routard du journalisme livre ses mémoires

3 novembre 2017, par Untitled Magazine

Aujourd’hui chroniqueur matinal sur France Inter, Bernard Guetta était aussi l’un des plus fameux correspondants de presse écrite français durant les années 80-90. Avec "Dans l’ivresse de l’histoire", il revient sur un parcours riche, passionnant, entre fureur de vivre et pessimisme sur les décennies à venir.

Et si Bernard Guetta était en quelque sorte ce grand-père que l’on souhaiterait avoir ? Celui qui vous raconte un nombre incalculable d’histoires, parfois rocambolesques, mais avec toujours cette résonance historique, celle d’une fin de 20e siècle sans qui le monde d’aujourd’hui ne serait pas le même. Les 352 pages de l’objet ici évoqué paraissent bien maigres pour résumer près de 40 ans d’engagement et de journalisme, mais peu importe, tout y est plus intense.

Un enfant de Mai 68

Élevé dans le fameux milieu de Saint-Germain des Prés et du quartier Latin, d'un père sociologue et d'une mère directrice de galeries d’art, tous deux engagés politiquement, Bernard Guetta baigne très vite dans le milieu intellectuel parisien. Après un bref passage par l’extrême gauche encensant l’URSS, ses parents ont finalement rejoint le PSU (parti socialiste unifié). Entourés d’une myriade d’amis, tous plus brillants les uns que les autres, ils dissertent longuement jusque tard dans la nuit. Le petit Bernard en est le plus jeune témoin. Entré par la suite au prestigieux lycée Henri IV, sa voie devait être toute tracée, comme celle de ses camarades de classe : Normal Sup puis une brillante carrière d’universitaire.

Mai 68 est passé par là, et avec lui l’idée que les dictionnaires de Latin et de Grecs n’ont rien de bien palpitant quant à la vie d’une rédaction, en particulier de certains journaux, alors bien plus marqués à gauche qu'aujourd'hui, tel que L’Observateur.

L’observateur d’un monde qui s’effondre

Débute alors une vie menée dans « l’ivresse de l’Histoire ». Pour L’Observateur, puis Le Monde, Bernard Guetta va devenir l’un des seuls journalistes occidentaux à couvrir la chute du bloc communiste de l’intérieur. Notamment en Pologne, où le correspondant noue moultes contacts parmi les opposants au régime, qui par la négociation et le compromis parviendront à rendre Solidarnosc légal. Un récit au plus près des acteurs de l’Histoire où le journaliste s’efface parfois au profit de l’ami des dissidents, tellement persuadé que le moment n’est pas qu’une nouvelle anicroche et qu’un mouvement de fond est en marche. Souvent à l’encontre de nombres de ses collègues en poste à Paris. Le Prix Albert-Londres en 1981 l’en récompensera.

Infatigable passeur de l’effondrement soviétique

Passé un temps par Washington, il sent que l’Histoire se joue de l’autre côté, et revient à l’Est, toujours pour Le Monde, en étant correspondant à Moscou entre 1988 et 1990. Dans l’URSS de Gorbatchev, il assiste à l’agonie d’un modèle mais surtout à la naissance d’une société fondée sur un immense gâchis. Un Eltsine alcoolique et une poignée d’oligarques se partageant les entreprises d’États, tandis qu’une grande partie de la population subit les contrecoups d’une libéralisation aussi soudaine que brutale, façonneront ce que la Russie de Poutine est aujourd’hui. Le journaliste en est persuadé et ne peut cacher son amertume.

Un livre indispensable pour qui veut sentir le pouls d'une histoire vécue au plus près, voir même en tant qu'acteur. Entre nuits blanches entretenues par trop de cigarettes et de whisky dans des immeubles soviétiques truffés de micros, ou au sein des organes officiels du PC à Moscou où Guetta fut l’un des premiers journalistes occidentaux à pouvoir pénétrer, le style romanesque peut faire son apparition si l'on n'y prend pas garde, mais jamais dans l’artifice. Car enfin, ce livre est surtout une longue interrogation personnelle sur une trajectoire idéologique marquée à gauche, mais qui n’a jamais réellement trouvé de traduction politique concrète.

Européen convaincu, le pilier de France Inter livre un récit à la fois réjouissant sur la puissance des révolutions sans effusion de sang, mais terriblement pessimiste sur cette nouvelle géopolitique où agissent anciennes et nouvelles puissances, avec à leur tête des dirigeants plus que jamais instables.

Un livre sous forme d’état des lieux selon les mots mêmes de l’auteur, pour transmettre et tenter d’expliquer un monde, actuel et futur, si complexe à interpréter pour notre génération.

Dans l'ivresse de l'Histoire, Bernard Guetta, Edition Flammarion, 352 pages, 20 euros


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