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La rentrée littéraire 2022 est en poche #2

31 décembre 2023, par Untitled Magazine

Il est parfois difficile de faire le tri parmi les presque 600 ouvrages qui sortent à chaque rentrée littéraire, et il est surtout trop cher de tous les acheter en grand format. Alors, pour celles et ceux qui sont patient.e.s, voici quelques livres de la rentrée littéraire de l'année dernière qui sont désormais disponibles en poche !

Miss Eliza, Annabel Abbs

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1835, Londres. Elisa Acton vient de se voir refuser son recueil de poèmes par son éditeur. A la place, ce dernier lui propose de rédiger un livre de cuisine, un ouvrage plus vendeur pour une femme. Bien décidée à décliner cette proposition, elle apprend au même moment la faillite de son père. Désireuse d’aider sa famille qui traverse une situation difficile, elle se voit contrainte de repenser à la proposition de son éditeur. Pour l’épauler, elle engage une jeune assistante, qui vit dans une pauvreté extrême et qui a la charge d’un père paralysé et d’une mère atteinte de démence. 

Entre 1835 et 1845, Elisa Acton a rassemblé et testé de nombreuses recettes et a écrit avec l’aide de son assistante Ann Kirby, un livre de cuisine qui a révolutionné l’histoire du livre de cuisine. Elle fut la première cuisinière à avoir l’idée d’inscrire la liste des ingrédients et des mesures exactes. 

Annabel Abbs nous transporte dans l’Angleterre du 19ème siècle à une époque où les femmes avaient peu de liberté pour poursuivre leurs rêves. Femme brillante, Elisa ne manque pas de s’ériger contre les attentes de la société, contre cette société au sein de laquelle les femmes doivent se marier et avoir des enfants, et non se consacrer à l’écriture. Un très beau roman qui met en contraste vie bourgeoise et quotidien domestique dans lequel on entrevoit un début de lutte féministe.

Critique rédigée par Marie Heckenbenner

"Miss Eliza", Annabel Abbs, traduit par Anne-Carole Grillot, Editions Pocket, 416 pages, 9€

Biche, Mona Messine

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Une forêt. Deux types de population s'y croisent. Des biches. Et des chasseurs. Qui l'emportera ?

Gérald et son chien Olaf mènent le groupe de chasseurs qui pénètrent en ce dimanche dans la forêt, prêts à tirer sur tous les animaux qui bougent et pressés d'en faire la démonstration. Ils sont accompagnés par un groupe de rabatteurs - qui sont plutôt des rabatteuses d'ailleurs, menées par Linda, la place des femmes n'étant selon eux pas vraiment un fusil dans la main... - qui amèneront les biches vers les chasseurs et s'assureront qu'elles n'aient pas d'autres issues que de faire face aux balles des chasseurs. Alan parcourt lui aussi la forêt tout en sachant qu'il ne pourra pas protéger les biches en ce dimanche de chasse comme il s'engage à le faire depuis qu'il est devenu garde-chasse. Tou.tes affirment que l'amour des animaux guide leurs actions dans la forêt... Comment se peut-il donc que certain.es les traquent ?

Ce sont les réflexions qui nous accompagnent alors qu'on suit une biche qui semble refuser cet ordre des choses, qui tente de résister et d'habiter la forêt comme elle le souhaite. Malgré quelques moments d'antropomorphisme un peu dérangeants, Mona Messine nous plonge dans les pensées et les actions d'une biche qui veut survivre face à la violence des humain.es et dénonce la violence de la chasse.

Un face à face plein de suspense sur fond de tempête et de nature qui s'impose.

Critique rédigée par Mathilde Ciulla

"Biche", Mona Messine, Mon Poche, 184 pages, 7,60 €

La nuit des pères, Gaëlle Josse 

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Isabelle, la narratrice, est documentariste. Elle réalise des films sur les fonds marins, et vient de perdre son compagnon, mort d’un accident cardiaque en plein tournage. A la demande de son frère Olivier, Isabelle revient dans son village natal et ce, avec beaucoup d’appréhension. De retour dans ce village des Alpes où ils sont nés, elle est venue revoir son père. Ce père, ancien guide de montagne et aujourd’hui octogénaire à la santé qui décline. Dès son arrivée, les lieux ressuscitent son enfance, les jours heureux, les mots qui blessent. Mais surtout, cette fille qu’il n’a jamais su aimer veut nous raconter en s’adressant à ce père, sa souffrance, celle de l’enfant qu’elle était, et celle de la femme qu’elle est devenue. A son tour, le vieil homme parviendra à livrer ce qu’il a caché toute sa vie, et qui pourrait éclairer l’apparente haine qu’il vouait à sa fille.

En entremêlant passé et présent, Gaëlle Josse réussit avec beaucoup de sobriété à évoquer la terrible maladie d’Alzheimer, celle qu’elle préfère nommer “la maladie de l’oubli”. Dans ce roman intense, elle raconte la violence d’un père, détruit par la guerre d’Algérie et les conséquences de ce traumatisme sur toute sa vie de famille. Sous forme de journal (qui durera 4 jours), la voix d’Isabelle résonne et oscille entre ses souvenirs et l’effritement de la mémoire de son père.

En peu de mots, et seulement quelques pages, l’autrice dessine avec justesse l’histoire complexe de cette famille meurtrie et démêle les relations aussi bien filiales que fraternelles. 

Critique rédigée par Marie Heckenbenner

"La nuit des pères", Gaëlle Josse, Editions J'ai Lu, 192 pages, 7,40 €

Le feu du millieu, Touhfat Mouhtare

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Gaillard est une esclave comorienne, au service des maîtres musulmans. Elevée par sa mère adoptive Tamu, elle évolue entre ses contes et ses légendes, et les leçons du maître qui lui enseigne le Coran aux côtés de ses amies, elles aussi esclaves. La connaissance des sourates doit lui apporter la libération mais c'est sa rencontre avec Halima, jeune maîtresse, qui changera sa vie : une amitié intense, faite de rencontres secrètes, de baignades nocturnes qui marquera Gaillard au plus profond.

Touhfat Mouhtare impressionne par l'atmosphère qu'elle installe : une vie faite de violences, rendue plus douce par une sororité intense et des légendes qui prennent vie et nous font traverser l'histoire. Gaillard grandit et s'affirme, tombe et se relève, sans jamais arrêter de brûler de ce feu qui remet en cause les règles qui lui sont imposées, en tant que femme et en tant qu'esclave. 

Une lecture qui enchante par la puissance d'imagination et de mystique, qui révolte par les épreuves d'une violence inouïe imposées à cette jeune fille - et qui unit par la sororité qui ne manque jamais d'accompagner les femmes au-delà du temps et de l'espace.

Critique rédigée par Mathilde Ciulla

"Le feu du millieu", Touhfat Mouhtare, Editions Pocket, 352 pages, 8,30 €

Titi la Blanche, Hadrien Bels

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A Dakar, Issa, Rigobert et Tibi préparent leur bac. Pour eux, cette dernière année est synonyme de changement, de transition, peut-être de la vie en France aussi, pour celles comme Tibi qui auront l'occasion d'aller y étudier. Dans la bouillonnante Dakar, les ambitions de ces trois amis ont parfois la vie dure et courte. Ils se heurtent chacun leur tour aux traditions, à leurs origines sociales, ou bien encore aux croyances.

Hadrien Bels écrit un roman vibrant aux couleurs de Dakar. La musique fait vivre le texte, on a l'impression de faire partie du chaos des rues pendant la lecture, on entend le brouhaha des voitures, comme le brouhaha dans la tête des personnages perdus entre leurs rêves et ce qu'on attend d'eux. Si l'auteur rend hommage à sa ville natale, il rend aussi hommage à ses habitants et à tous ces jeunes qui rêvent d'ailleurs, il décrit cet eldorado qu'est la France, les études qu'ils pourraient faire pour atteindre l'objectif supreme de se sortir de sa condition. 

Tibi la blanche est un roman choral, un roman d'amitié où les liens entre les personnages sont disséqués avec sensibilité et justesse, c'est aussi un roman sur les origines et les difficultés à sortir de son milieu. Une plongée dans Dakar et au coeur de sa jeunesse étincellante.

Critique rédigée par Mathilde Jarrossay

"Titi la Blanche", Hadrien Bels, Editions Proche, 205 pages, 8,10 €

La mémoire de l'eau, Miranda Cowley Heller

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Comme chaque été, Ellie passe ses vacances en famille au cap Cod. Mais cette année, son ami d’enfance est présent avec sa femme Gilda. Elle est mariée avec Peter et ont eu trois beaux enfants. Le temps d’une soirée, proches et amis se retrouvent autour d’un barbecue. Elle s’éclipse à la fin du repas et est rejointe par Jonas. Tous deux, happés par la passion, se laissent envahir. Pourquoi Ellie a-t-elle épousé Peter ? Que s’est-il passé entre Jonas et Ellie pour qu’ils s’éloignent ? Pourquoi n’ont-ils pas fait leur vie ensemble ? 

Dans les 24 heures qui suivent, Ellie retrace sa vie, raconte ses souvenirs, ses secrets et ses mensonges pour enfin prendre une décision. Doit-elle continuer à vivre une vie heureuse avec Peter ou doit-elle choisir celle dont elle a toujours rêvé aux côtés de Jonas ?

Dans un roman où la nature est omniprésente, Miranda Cowley Heller joue habilement avec les personnages pour expliquer comment le passé a mené à ce choix présent. Au fil des pages, elle remonte le cours de l’histoire, déroule le fil des évènements, qui mis bout à bout ont conduit à un terrible drame. En une seule journée, sur fond d'ambiance estivale, la romancière radiographie les vies de son héroïne. Entre les échecs, les tragédies dévastatrices, les séquelles, les divers liens familiaux, tout est passé au crible pour conduire Ellie à la décision ultime. Grâce à une construction et une description précise, le lecteur s’attache aux personnages et a bien du mal à se détacher du roman. Un bel ouvrage qui nous fait vivre la vie de cette famille, entre drames et petits bonheurs et où la puissance de l’amour et la complexité des liens familiaux et amoureux est décrite avec justesse.

Critique rédigée par Marie Heckenbenner

"La mémoire de l'eau", Miranda Cowley Heller, traduit par Karine Lalechère, Editions Pocket, 496 pages, 9,20 €

Ils sont aussi en poche :

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