Pour la huitième année consécutive, tout l’été, et chaque semaine, Untitled Magazine vous propose trois livres à lire. Que vous soyez dans votre maison de campagne, au bord de la plage, entre amis ou encore au travail, vous devriez trouver votre bonheur.
L'ours et le rossignol, Katherine Arden
Vassia vit avec sa famille dans les forêts reculées du Nord de la Russie, là où le froid est cinglant et où on se retrouve en famille le soir au coin du feu pour écouter les contes russes. Vassia n'est pas une jeune fille ordinaire, ces esprits des contes racontés par sa nounou, elle les voit : le domovoi, la roussalka mais surtout l'Esprit du Gel. Si cela ne semble pas inquiéter sa famille, ce n'est pas le cas de sa belle-mère dévote, Anna, ou bien du nouveau prêtre Konstantin parachuté dans leur village. Comment Vassia peut-elle continuer à allier ses visions et sa vie au sein de sa communauté ?
L'Ours et le Rossignol est une épopée de fantasy infusée par le folklore russe. On y retrouve les croyances dans les esprits de la forêt mais surtout la légende du Morozko et son frère borgne et maléfique, qui convoite la jeune Vassia. C'est aussi une histoire de famille : on suit l'histore de la jeune fille de sa naissance à son adolescence, mais aussi la trajectoire de ses frères et soeurs ainsi que celle de son père. L'autrice mélange ici les contes traditionnels avec la grande histoire russe et sa famille impériale.
Ce premier tome d'une trilogie nous plonge dans la forêt russe, ses croyances et ses peurs. Une héroïne particulièrement farouche nous guide dans ce dédale d'esprits. Ce roman mêle la religion et le folklore, une façon de nous immerger dans la culture russe et de comprendre l'imbrication des deux. Une épopée qui vous fera galoper dans le grand nord aux côtés de Vasssia.
Critique rédigée par Mathilde Jarrossay
Les grandes blondes, Jean Echenoz
Gloire Abgrall, plus connue sous le nom de Gloria Stella, quelques années auparavant, ne donne plus signe de vie alors qu’un producteur d’émission télévisée voudrait l’interroger, pensant à elle pour son sujet sur les femmes blondes dans le cinéma. Il embauche donc des détectives pour retrouver sa trace.
En voilà une bien étrange raison de se rapprocher des renseignements généraux et de faire fonctionner ses contacts dans la police… Parce que Gloire semble avoir choisi de disparaître volontairement et ne pas avoir envie d’être retrouvée… Avec cette enquête absurde, Jean Echenoz nous emmène sur plusieurs continents, dans le passé de Gloire mais aussi dans les réflexions folles d’un producteur qui semble bien en peine de trouver un angle pour ce reportage sur les grandes blondes.
Récit à la forme atypique, parsemé d’adresses directes aux lecteur.rices à travers un “vous” désarçonnant, Les grandes blondes mêle roman de détective et forme de plaidoyer à la liberté des individus à disparaître, qu’on ait défrayé la chronique ou non !
Critique rédigée par Mathilde Ciulla
"Les grandes blondes", Jean Echenoz, Editions de Minuit / Minuit Double, 256 pages, 8€50
Prends ma main, Dolen Perkins-Valdez
Alabama, 1973, Civil Townsend, jeune infirmière afro-américaine débute sa carrière dans une clinique de planification familiale à Birmingham. Dès ses débuts, elle se voit confier le dossier de deux fillettes, de onze et treize ans, à qui elle doit injecter un contraceptif tous les mois. Lors de sa première visite à domicile, elle découvre qu’elles vivent dans une cabane miteuse, avec leur père et leur grand-mère. Investie d’une mission, elle fera tout pour venir en aide à la famille. Mais alors qu’elle découvre que l’injection n’a jamais été validée par l’agence de sécurité pharmaceutique, et qu’elle décide de ne plus leur administrer, sa décision sera fatale pour le reste de la vie de ces fillettes.
Dans son premier roman traduit en français, Dolen Perkins-Valdez s’empare d’un sujet qui a secoué les Etats-Unis, la stérilisation des petites filles noires. Basé sur des faits réels et l’histoire des soeurs Relf, l’autrice revient sur ce scandale le plus dramatique qui a touché des milliers de femmes entre 1910 et 1970. Bénéficiant d’aides sociales, et analphabètes pour la plupart, ces familles avaient toutes confiances envers l’Etat et signaient de nombreux formulaires sans même en prendre connaissance. Un avantage qui a entraîné la stérilisation forcée de plusieurs milliers de jeunes filles, dans le cadre de programmes financés par le gouvernement fédéral.
Entre ségrégation raciale et stérilisation forcée, la romancière signe un ouvrage parfaitement documenté qui pose la question de l’éthique et de la santé dans le milieu social, mais également la valeur d’une vie. Un récit d’une extrême sensibilité, porté par la voie de Civil, une jeune femme prête à tout pour dénoncer ces atrocités et dénoncer une des politiques les plus innomables des Etats-Unis.
Critique rédigée par Marie Heckenbenner
"Prends ma main", Dolen Perkins-Valdez, traduit par Emmanuelle Aronson, Points, 456 pages , 10€20