Pour la septième année consécutive, tout l’été, et chaque semaine, Untitled Magazine vous propose trois livres à lire. Que vous soyez dans votre maison de campagne, au bord de la plage, entre amis ou encore au travail, vous devriez trouver votre bonheur.
Un autre bleu que le tien, Marjorie Tixier
Mutique depuis un traumatisme dont elle n’a aucun souvenir, Rosanie habite depuis vingt ans dans une petite maison à l’abri du monde, avec son mari. Chaque matin, elle se rend aux thermes - elle qui craint pourtant l’eau - et rencontre Félicie, une ancienne grande sportive, amputée des jambes après un tragique accident. Fascinée par sa force de caractère et son courage, cette femme donne envie à Rosanie de sortir de sa situation et d’abattre le mur de silence derrière lequel elle s’est enfermée depuis si longtemps. Estelle, elle, est arrivée à Bagnères-de-Luchon à 18 ans, enceinte, et vit seule avec son fils qu’elle a du mal à aimer.
Avec Un autre bleu que le tien, Marjorie Tixier livre trois portraits de femmes blessées, aussi bien physiquement que moralement, au passé douloureux et traumatique qu’elles tentent de fuir. Toutes trois, ont peur d’être rejetées à cause de leur différence et tentent de survivre au présent. Ensemble, ces êtres que tout oppose vont - grâce aux liens qu’elles tissent entre elles - s’accompagner vers une possible reconstruction et affronter mutuellement leurs failles. Un roman plein de poésie et de sensibilité qui aborde avec justesse la question du handicap, visible ou non, et l’envie de se battre pour surmonter celui-ci.
Critique rédigée par Marie Heckenbenner
"Un autre bleu que le tien", Marjorie Tixier, Editions Pocket, 352 pages, 8,60 €
Un long voyage, Claire Duvivier
Liesse est un jeune garçon issu d'une famille de pêcheurs qui ne peut le garder. Il est vendu à une concession de l'empire et élevé par des fonctionnaires qui cacheront sa position d'esclave dans un monde où l'esclavage a été aboli, tout en lui transmettant au maximum leurs connaissances sur le fonctionnement de l'empire et les rapports entre les différentes régions qui le composent.
Au fil des pages, Liesse, attentif et malin, se fraie un chemin auprès des fonctionnaires les plus hauts placés de l'empire et suit notamment Malvine, une femme exceptionnelle. Il consigne tout, assiste aux réunions et entre dans l'intimité de cette femme qui a bien changé après avoir disparu plusieurs mois... Témoin privilégié du délitement d'un empire, Liesse livre le récit honnête d'un homme qui a été au plus près des tractations politiques sans jamais céder à l'ambition.
Dans ce premier roman, Claire Duvivier démontre déjà tout son talent pour l'imaginaire et le genre de la fantasy, pour la création d'un monde et de sa mythologie.
Critique rédigée par Mathilde Ciulla
"Un long voyage", Claire Duvivier, Editions Livre de poche, 320 pages, 8,70€
Les racines du ciel, Romain Gary
Dans l’Afrique Équatoriale Française des années 50, on ne parle que d’un homme : Morel, dont le nom est souvent suivi de l’adjectif « fou ». Avec son porte-document sous le bras, il passe de village en village pour faire signer une pétition contre la chasse aux éléphants. Morel en est convaincu : grâce à cette pétition, il parviendra à se faire entendre lors de la prochaine conférence internationale et à inscrire la défense des éléphants dans la loi. Sa conviction alimente sa lutte, et le pousse même à agresser les plus terribles chasseurs d’éléphants de la région en brûlant leur maison ou en les bousculant un peu. Bien vite, ses actions sont retransmises par les médias du monde entier. Pourquoi Morel s’intéresse-t-il autant aux éléphants ?
Certains disent qu’il est un misanthrope qui a quitté les hommes pour vivre parmi les troupeaux d’éléphants. D’autres prétendent que ces animaux majestueux ne sont qu’un écran pour cacher les ambitions nationalistes de Morel qui ne chercherait en réalité qu’à tuer des colons qui s’attaquent au symbole même de l’Afrique. D’autres encore émettent l’hypothèse des convictions écologiques de ce Français. Pourtant, quand on interroge Morel, celui-ci ne cesse de répéter qu’il n’a que faire de la politique. Lui, ce qui l’intéresse, c’est la protection des éléphants, un point c’est tout. Pourquoi les éléphants en particulier ? Pourquoi pas d’autres animaux ? Pourquoi pas plutôt les hommes, qui auraient bien besoin d’aide eux aussi ?
Ce sont ces questions auxquelles les personnages de Gary vont tenter de répondre en partant à la recherche de Morel dans la brousse africaine. Gary fait de l’Afrique un territoire fascinant, aussi aride que sensuel, en témoigne la citation : « Il fut réveillé une troisième fois par une présence féminine à ses côtés et se dressa d’un bond, le cœur affolé : mais ce n’était que la nuit africaine, avec son allure de femme voilée. »
Critique rédigée par Lucie Jubin
"Les racines du ciel", Romain Gary, Editions Folio, 592 pages, 9,70€