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Eté 2022: 3 livres à mettre dans sa poche #4

22 juillet 2022, par Untitled Magazine

Pour la sixième année consécutive, tout l’été, et chaque semaine, Untitled Magazine vous propose trois livres à lire. Que vous soyez dans votre maison de campagne, au bord de la plage, entre amis ou encore au travail, vous devriez trouver votre bonheur.

 La leçon de ténèbres, Léonor de Récondo

Léonor de Récondo débarque à Tolède un jour de canicule, avec son violon à l'épaule et des espoirs plein le coeur. Elle a été autorisée à passer la nuit au Museo del Greco, seule, pour écrire sur son expérience. Pour cette fille de parents espagnols ayant fui la dictature jusqu'en France, ce voyage revêt des aspects de pèlerinage.

Son amour pour le peintre Doménikos Theotokópoulos, dit El Greco, lui vient de son père. Elle admire ses couleurs, ses longs personnages et imagine sa vie, lui qui s'est aussi exilé de la Crète natale, passant par Venise et Rome avant de venir s'installer à Tolède, où des traces de sa vie se retrouvent dans de nombreuses chapelles. Léonor de Récondo est venue à sa rencontre en cette chaude nuit espagnole : elle espère une nuit d'amour avec ce peintre qui la fascine tant, et elle l'appelle alors qu'elle erre dans les salles plongées dans l'obscurité, qu'elle joue du violon dans la chapelle ou qu'elle hume les fleurs du jardin.

Dans cette expérience aussi sensorielle et sensuelle, qu'émotionnelle et artistique, l'autrice nous transporte aux côtés d'un peintre qui a vécu il y a plus de quatre siècles, et partage le plaisir des souvenirs et le poids de l'attente. El Greco la rejoindra-t-elle ?

Critique rédigée par Mathilde Ciulla

"La leçon de ténèbres", Léonor de Récondo, Editions Points, 144 pages, 6,10 €

Cent ans de Laurelfield, Rebecca Makkai

1929, Laurefield est une colonie d’artistes hétéroclite et bohème où se retrouvent de nombreuses personnalités de la création artistique de l’époque. 

1999, à l’aube du nouveau millénaire et alors que Zee et son mari sont logés gracieusement dans la remise de la propriété familiale, par sa mère Gracie, ils se voient obligés de partager les lieux avec Case (le fils du mari de sa mère) et sa femme Miriam, artiste. Une cohabitation qui n’enchante pas Zee, mais qui fait le bonheur de Doug, qui lui aussi se rêve en artiste et tente de devenir écrivain et fera ainsi de Miriam une complice, dans sa quête de renseignements sur un poète ayant séjourné dans le manoir.

Sous la forme de poupées russes, Rebecca Makkai signe une saga familiale ambitieuse et ludique, aux personnages tous très différents. Mais il ne faut pas s’y tromper, la véritable vedette de ce roman reste la maison. Tandis qu’elle fut une prison pour certains, pour d’autres elle se révèle être un lieu de liberté. Aimée ou détestée, elle fut un refuge, un lieu de partage ou d’échange, et les gens n’y font que passer. Seule Violet Devohr continue un siècle et au fil des générations après de hanter les lieux et de faire parler. A la construction ingénieuse, et à chaque nouvelle étape de l’histoire de Laurelfield, les boîtes à secrets s’ouvrent les unes après les autres au fil des pages, dévoilant petit à petit l’histoire cachée de cette maison.

Critique rédigée par Marie Heckenbenner

"Cent ans de Laurelfield", Rebecca Makkai, traduit de l'anglais par Caroline Bouet, Editions 10/18, 456 pages, 8,80 €

Les lunettes d'or, Giorgio Bassani

Dans la ville italienne de Ferrare, dans les années 30, le docteur Fadigati est respecté et apprécié de tous. On aime attendre dans les fauteuils moelleux de ses salles d’attente bien chauffées, et on prend plaisir à confier ses maux et douleurs au docteur bienveillant. Pourtant, malgré toute sa bienveillance, le docteur Fadigati commence à faire jaser les amateurs de potins. Lui qui est beau et riche, comment se fait-il qu’il ne soit pas marié ? Après avoir été vu au cinéma en compagnie d’un jeune homme, les spéculations sur son orientation sexuelle vont bon train… Or, dans l’Italie des années 30, alors que le parti fasciste est en pleine ascension, il ne fait pas bon d’être homosexuel, et juif par dessus le marché. 

Petit à petit, le narrateur se détache du flot de rumeurs de la ville et se dévoile : il fait partie d'un groupe d’étudiants qui prennent tous les jours le même train Ferrare-Bologne. Or, deux fois par semaine, le docteur Fadigati prend ce même train. L’air de rien, et malgré la différence d’âge, il se rapproche de la petite bande, sans savoir où se mettre ni que dire. Pourtant, au fil des trajets, les étudiants vont l’adopter et l’intégrer à leurs conversations sur le sport, la littérature et la politique. Le narrateur, très observateur, décrit avec précision toutes les tensions, les sous-entendus et les dynamiques de ce groupe hétéroclite. 

Giorgio Bassani excelle dans l’art de retranscrire des atmosphères dépaysantes, nous faisant passer des rues de Ferrare en pleine nuit au wagon de seconde classe du train Ferrare-Bologne en passant par la plage de Rimini… L’auteur parvient à construire une atmosphère pesante, où les amitiés et sentiments d’un groupe de jeunes étudiants et de leur médecin se voient étouffés par l’apparition des lois raciales du régime de Mussolini. 

Critique rédigée par Lucie Jubin

"Les lunettes d'or", Giorgio Bassani (traduit par Michel Arnaud), Editions Folio Bilingue, 330 pages, 11,50€

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