Pour la sixième année consécutive, tout l’été, et chaque semaine, Untitled Magazine vous propose trois livres à lire. Que vous soyez dans votre maison de campagne, au bord de la plage, entre amis ou encore au travail, vous devriez trouver votre bonheur.
Les fantômes du vieux pays, Nathan Hill
A Chicago, le gouverneur Packer, candidat à la présidentielle, vient d’être agressé en public. Son assaillante, Faye Andresen-Anderson, vient de lui lancer des cailloux. Rapidement, les médias s’emparent de son histoire jusqu’à la surnommer Calamity Packer. Mais pourquoi a-t-elle commis ce geste ? Monté en épingle par les journalistes, interprété en tentative d’attentat terroriste, qui est cette femme qui, vingt-ans plus tôt, avait choisi de disparaitre, abandonnant son mari et son fils Samuel, alors âgé de onze ans.
Ce fils, très occupé à jouer en ligne au Monde d’Elfscape, passe à côté de ce fait divers. Pourtant, elle n’est autre que sa mère. Mais voilà, des années auparavant, il avait reçu une avance pour un roman qu’il n’a jamais écrit, et se voit menacer de poursuite en justice par son éditeur. Désespéré, il voit dans le geste de sa mère, un nouveau projet : écrire un livre révélation sur sa mère. Une tâche pas des moindres, car il ne sait presque rien d’elle. S’ensuit alors une reconstitution minutieuse de sa vie, qui lui vaudra son lot de surprises et réveillera bien des souvenirs.
Sur toile de fond d’un drame familial, Nathan Hill dresse le portrait des États-Unis d’hier et d’aujourd’hui. Des contestations étudiantes, aux manifestations à Wall-Street, en passant par la Norvège et le monde d’après “le 11 septembre”, il fait revivre les luttes sociales qui ont marqué le pays. Un récit passionnant, plein d’humour, qui raconte la dérive de l’Amérique d’aujourd’hui, et pour lequel on ne peut s’empêcher de voir dans le gouverneur Packer, le fantôme de Donald Trump.
Critique rédigée par Marie Heckenbenner
Retour à Martha's Vineyard, Richard Russo
Teddy, Lincoln et Mickey sont de vieux amis de la fac. Lorsque la guerre du Vietnam frappe, les trois amis voient leur vie impactée par le tirage au sort qui détermine leur sort un soir de 1969. Pour fêter la fin de leurs années universitaires et aussi pour se retrouver une dernière fois, ils organisent un dernier week-end dans la maison de famille de Lincoln à Martha's Vineyard. Pourtant, ce week-end est aussi celui où ils verront pour la dernière fois la sublime Jacy, qui les hantent toujours.
Ce roman est un roman d'amitié et de souvenirs. Lorsque, avant la vente de la maison, les trois amis se retrouvent en 2015, leurs vies ont bien changé : Lincoln est un notable de l'immobilier bien installé, Teddy végète aux éditions universitaires où il parvient tant bien que mal à garder la tête hors de l'eau et Mickey vit toujours sa vie de rockeur. Cette occasion leur permet de se remémorer leur vie à la fac mais aussi Jacy, cette fille dont ils étaient fou amoureux subitement disparue.
C'est un roman complet qui mêle les trois destins des personnages principaux, entre la fac, leurs histoires de famille et leur vie actuelle mais aussi cette enquête pour savoir où a disparu Jacy. Un parfait roman à dévorer sur la plage ou comme eux, dans une maison en bord de mer.
Critique rédigée par Mathilde Jarrossay
Helena, Jérémy Fel
Au Kansas, par un été caniculaire, le cauchemar commence pour Hayley Hives. C’est un jeu de circonstances peu heureuses pour elle. Partie initialement pour préparer un tournoi de golf en l’honneur de sa mère, la jeune femme va rapidement se trouver piégée dans la maison de Norma et de ses fils : Graham, l’aîné, et Tommy, 17 ans. Ce dernier lui rend la tâche particulièrement difficile, d’autant plus que Graham s’apprête à quitter le foyer familial. Prendre pleinement Tommy en charge est extrêmement fastidieux et compliqué car sa folie destructrice est difficile à calmer. Faire du mal à autrui, là est son seul et unique moyen d’expression pour se libérer de la souffrance qui le ronge. Mais cette fois-ci, Tommy ne va pas simplement égorger des chats, non… Il va croiser la route de Hayley, et pour l’un comme pour l’autre, cette rencontre s’annonce des plus éprouvantes et traumatisantes. Jusqu’où l’amour d’une mère peut-il aller pour protéger son fils ? Que peut supporter l’amour maternel ? Entre la raison et le cœur, Norma ne sait où donner de la tête, et se retrouve à son tour piégée, séquestrée, prisonnière dans cette spirale infernale initiée par Tommy. Un engrenage dont personne ne sortira indemne.
Véritable thriller psychologique à huis clos, la tension est palpable jusqu’à la toute dernière ligne. En alternant les points de vue (Tommy/Hayley/Norma), le lecteur est happé par le psyché de chaque personnage et le tout est plus que fracassant et percutant. Tel un uppercut du genre, Jérémy Fel s’impose aux côtés de King et Hitchcock dans l’horreur du genre humain, les tréfonds et tourments de son âme.
Critique rédigée par Laurence Lesager
"Helena", Jérémy Fel, Editions Rivages Poche, 816 pages, 9,20€