Vous aussi vous êtes perdu.e.s avec toutes les sorties récentes, tous les livres qu’on vous conseille et toutes les recommandations des libraires jusqu’à en oublier de lire des bandes dessinées ? Pas d’inquiétude, on a pensé à tout et on vous concocte des sélections de nos BD préférées !
La Femme corneille, Camille Royer et Geoffrey Le Guilcher
Douce BD que voilà ! La femme corneille (éditions Futuropolis) raconte la passion grandissante d’une timide à tendance geek pour les corvidés qui cohabitent dans nos villes. Avec des couleurs douces dominées par le violet (ce serait la quatrième couleur que percevraient les oiseaux en plus du bleu, vert et rouge qu’iels partagent avec nous, humain.e.s), et un crayonné marqué, Camille Royer et Geoffrey Le Guilcher nous font découvrir l’intelligence de ces volatiles devenus familiers des parcs urbains depuis la mise en place du plan vigipirate.
C’est après une rencontre avec Frédéric Jiguet, professeur au Muséum national d’histoire naturelle, que Marie-Lan, la personnage de la BD qui a aussi une existence bien réelle (aller voir son X-Twitter @Jastrow75), est entrée dans le monde fascinant des corvidés. La bande dessinée montre ainsi comment cette dernière va rapidement abandonner les créatures numériques de Pokémon-Go pour se concentrer sur certaines bien réelles qui l’entourent. Emmené.e.s à sa suite dans ses explorations urbaines, nous découvrons alors que ces oiseaux ont presque toujours cohabités avec l’espèce humaine - certains chercheurs allant jusqu’à avancer que nous tirerions une partie de notre intelligence de leur observation.
De guerres de territoires, en papouilles du bec pour lisser le plumage, de « chant des morts » pour échanger sur un danger, en monogamie affirmée, ce court récit d’apprentissage ébauche la richesse d’une autre intelligence, qui, loin d’être inaccessible, demande avant tout de lever la tête. Une fascinante façon de se découvrir entouré.e.s.
Critique rédigée par Vincent Bourdet
Chronique du 115, Aude Massot
En 1993, Xavier Emmanuelli fonde le SAMU social de Paris. 2005, dans son appartement parisien, la dessinatrice Aude Massot décide de consacrer une enquête au Samu Social. Grâce à une rencontre avec son fondateur, elle brosse - aidée de son récit - les grandes lignes qui font aujourd’hui l’histoire de l’organisme et nous catapulte dans une réalité qu’on a du mal à regarder, l’exclusion.
Au fil des pages, la dessinatrice nous plonge dans le monde presque inconnu de la vie dans la rue. Avec beaucoup de pédagogie, elle évoque la situation actuelle, les différences entre les personnes exclues (SDF, migrants, sans-abris…) et partage son expérience du terrain lors des maraudes de nuits et de jours. Elle s’attache à décrire le quotidien de ces personnes dévouées, des médiateurs, des infirmières, des assistants sociaux mais aussi les différentes arcanes d’une organisation qui a su s’imposer au fil des années en France.
Entre interviews avec le fondateur, rencontres avec les salariés, échanges avec les plus démunis, elle nous éclaire sur cette structure mais va également plus loin. Tout au long de son enquête, elle partage avec son lecteur ses interrogations et son cheminement. Forte de sa documentation sur l’exclusion, elle s’appuie sur des propos ethnologiques et sociologiques et donne à voir l’exclusion sous plusieurs angles : le corps, la notion de temps, la notion de l’espace et le rapport aux autres. Sans pathos, elle livre un regard neutre tout en sensibilisant le lecteur.
Critique rédigée par Marie Heckenbenner
"Chronique du 115, une histoire du Samu Social", Aude Massot, Editions Steinkis, 113 pages, 17 euros
Vivian Maier. Claire-Obscure, Emilie Plateau & Marsena Sowa
Quel plaisir de découvrir la vie de cette grande photographe complètement inconnue de son vivant qu'était Vivian Maier ! De la France aux Etats-Unis, l'autrice et l'illustratrice de cette bande dessinée nous font traverser les époques et les lieux avec un impodérable : Vivian a toujours un appareil photo à la main, où qu'elle soit !
La plus grande partie de sa vie, Vivian Maier l'a passée avec les enfants des autres : elle était nounou, souvent pour des familles bourgoises. Dans les pages de la bande dessinée, on voit l'amour qu'elle a porté à ces enfants, le temps qu'elle leur a consacré et surtout l'influence qu'elle a eu sur leurs vies. Elle leur a ouvert les yeux en promenant son regard sur l'envers du décor des Etats-Unis, sur celles et ceux qui n'étaient pas ou peu représenté.es, les plus démuni.es, les discriminé.es. L'attention aux détails de la dessinatrice Emilie Plateau rend hommage à celle de la photographe et on apprécie tout particulièrement les représentations de clichés fait par Vivian Maier au milieu des autres dessins.
Femme libre et indépendante, Vivian Maier aura conservé ces clichés dans des cartons toute sa vie et ce n'est qu'après sa mort qu'ils sont découverts et rendus publics. Cette bande dessinée met en lumière une femme discrète qui s'est toujours cachée derrière son objectif, faisant la démonstration de tout son talent.
Critique rédigée par Mathilde Ciulla
"Vivian Maier. Claire-Obscure", Emilie Plateau & Marsena Sowa, Editions Dargaud, 136 pages, 19,95€