UNTITLED MAGAZINE
Dans ce nouveau roman, Deborah Levy s'attaque une nouvelle fois à ce qu'elle sait faire de mieux : les portraits de femmes. Sous le soleil d'Athènes ou encore le brouillard londonien, on suit une pianiste en fuite mais de qui ou de quoi ?
Elsa M Anderson est une pianiste prodigue, mais après une représentation ratée où elle quitte une salle pleine, elle tente de se recentrer en Grèce. Malheureusement, elle croise pour la première fois une silhouette féminine lui étant familière et qui semble la défier. Hantée par cette femme, elle va tenter de la semer, en vain.
Le double
Deborah Levy interroge la figure du double dans ce nouveau roman. Qui est cette femme qu'Elsa croise si souvent et qui lui ressemble ? Est-ce que c'est vraiment une autre femme ou bien n'est-ce pas une projection d'elle-même ? Ce qui est en germe dans ce roman, c'est l'idée de se retrouver. Elsa, la narratrice, perd ses moyens lors d'un récital prestigieux ; elle se perd dans l'art qu'elle maîtrise le mieux. Mais alors qui est-elle si le piano n'est plus sa zone de confort ?
A travers cette femme mystérieuse, la narratrice s'interroge sur son image mais aussi sur qui elle est et comment elle en est arrivée là. Elle erre dans les détours de sa personnalité avec cette voix, qui l'accompagne et qui nous accompagne tout au long du roman : une voix qui interroge mais qui aussi résout les états d'âme de la jeune femme.
Comme toujours avec les personnages de Deborah Levy, il y a la question de l'identité et de la quête de soi. À travers la dissociation et les questionnements, c'était déjà le cas dans Hot Milk mais aussi dans Sous l'eau, où les personnages féminins sont soumis à la recherche et à l'introspection.
La poésie et sa réflexion
Cette recherche est toujours corrélée à la question des mots et de la poétique de l'autrice : tout est lié à la forme et à la recherche du langage. La voix qui hante Elsa la pousse dans ses retranchements, elle l'oblige à s'intéresser à elle profondément. L'enfance singulière de la jeune femme, recueillie par son maître pianiste, lui revient comme un mauvais souvenir qu'elle tente d'enfouir.
La deuxième partie du roman se concentre sur cette quête des origines : les parents inconnus qui l'ont laissé aux mains d'Arthur, son maître et mentor. Comment se construit-on lorsqu'on est élevée pour devenir une prodige du piano ? A l'âge adulte, Elsa se retrouve assaillie par ces questions alors qu'elle doit veiller ce père adoptif, aux prises avec la maladie.
Deborah Levy explore les relations familiales dans ce roman, à nouveau. Comment faire famille ? Et surtout, quels sont les répercussions sur notre construction. Dnas un style qui lui est propre, ce roman écrit en prose renoue souvent avec la poésie et le vers. On est bercé par la musicalité des phrases et les voix qui traversent ce roman.
Bleu d'Août est une enquête poétique sur les racines, celles qui nous encrent et nous font grandir.
Bleu d'Août, Deborah Levy, traduit par Céline Leroy, Edition du Sous-sol, 208 p., 21,50€
