Pour la septième année consécutive, tout l’été, et chaque semaine, Untitled Magazine vous propose trois livres à lire. Que vous soyez dans votre maison de campagne, au bord de la plage, entre amis ou encore au travail, vous devriez trouver votre bonheur.
Furie, Myriam Vincent
Assassin, c’est un métier rough. Marylin a l’esprit vengeur, sa colère l’anime et elle ne compte pas en rester là. Sa rage, sa fureur sont brûlantes et cette furie va bientôt tout ravager sur son passage.
Après le viol et le suicide de son amie Julie, Marylin ne pense qu’à une chose : faire justice soi-même et punir les hommes qui ont entrainé la perte de Julie : “Tout le monde s’en fout, c’est une histoire complétement banale. Femme 1 disparaît et on devine qu’elle refera sa vie ailleurs, tout au plus elle deviendra une activiste féministe, peut-être qu’elle ira en science de l’intérieur, ou alors sa rage la consumera et la transformera en personne amère, aigrie, qui réussit à rien faire de son existence, mais à part ça, à part pour elle, la vie suivra son cours. (...) Sauf une Femme 1 n’est pas d’accord. Femme 1 décide de changer la fin.”
C’est de cette manière qu’après avoir longuement cherché un tueur à gages efficace pour se venger, Marilyn rencontre Lindberg, la crème de la crème en matière de meurtres sans vagues. C’est un budget certes, mais ça en vaut la peine. Elle est plus que déterminée à venger son amie. Au fil de l’entrevue, Lindberg propose à Marylin de travailler pour lui pour une durée de deux ans : “une vie sans call center [job actuel en parallèle de ses études], sans problèmes financiers, où j’aurais l’occasion de venger Julie et aussi plein d’autres victimes de violences sexuelles. C’était ça que Lindberg m’offrait. Une vie de violence, certainement, mais c’était comme je l’avais dit : je vivrais de la violence peu importe ce que je ferais. J’avais aujourd’hui l’occasion de passer de l’autre côté du spectre, voir si ça me conviendrait mieux.”
Furie de Myriam Vincent est un véritable page turner et nous tient en haleine tout le long (vraiment). On y trouve une atmosphère similaire à celle de Kill Bill de Tarantino ou encore de Killing Eve (livre de Luke Jennings, adapté en série par Phoebe Waller-Bridge) et de Dirty Weekend de Helen Zahavi. C’est aussi un texte sur la solitude, l’amitié et la justice qui laisse courir les criminels. En se faisant justice elle-même, Marilyn se doit d’être discrète afin de ne pas entacher sa couverture. Mais cette balance en apparence simple s’avère plus compliquée que prévu lorsque notre justicière revient sur les bancs de la fac. Étudiante le jour, tueuse la nuit… Marilyn réussira-t-elle à vivre cette double vie sans se brûler ? Que choisira-t-elle ?
Critique rédigée par Laurence Lesager
"Furie", Myriam Vincent, Poètes de brousse prose, 2020, 374 pages
Le pays des phrases courtes, Stine Pilgaard
La narratrice suit son conjoint, qu'elle nomme "mon chéri", dans la province danoise du Jutland. Là-bas, elle découvre un nouveau mode de vie qu'elle citadine ne connait pas, ou plutôt ne soupconnait pas. Les habitants de cette province vivent entre eux, sont renfermés, pas spécialement accueillants. Elle découvre cette vie communaitre en s'investissant dans une højskole (une école alternative au Danemark) où son conjoint a trouvé un poste. C'est cette vie en communauté avec cette école au centre qu'elle va découvrir.
Le roman se découpe en courts chapitres qui sont autant de sommes de ce que la narratrice traverse, de courtes anecdotes. Elle brosse un portrait d'un endroit reculé du Danemark, des traditions danoises, des contes populaires qui habitent les jutlandais. Elle dépeint les habitudes des gens à travers le prisme de la conduite car elle décide de passer son permis de conduire. C'est aussi une excuse pour elle de se trouver des activités et de faire des rencontres.
Le pays des phrases courtes un roman rafraichissant, drôle et qui nous fait voyager dans un lieu inconnu du grand public, où le traditionnel a gardé toute sa place et est au centre des interactions des danois.
Critique rédigée par Mathilde Jarrossay
L'amour et les forêts, Eric Reinhardt
Bénédicte Ombredanne, trentenaire, agrégée de lettres, se prend d’affection pour un écrivain - en l'occurrence ici Eric Reinhardt - à la lecture de son roman. A son tour, bouleversée par cette femme et sa vie, il nous raconte son histoire. Celle d’une femme prise dans une relation toxique, destructive, malsaine, au sein de laquelle elle se sent prisonnière. A ses côtés, son mari Jean-François, est un tortionnaire, manipulateur et jaloux. Après une énième dispute, elle n’en peut plus et s’inscrit sur Meetic. Elle y fait alors la rencontre de Christian, un cupidon de l’amour. Avec lui, tout est beau et la passion, le désir, le bonheur s’entremêlent et lui font oublier son quotidien avec son tyrannique de mari.
On ne sait que très peu de choses d’elle, à part quelques messages qu’elle envoie au narrateur, quelques bribes et extraits qu’elle couche dans son journal intime, qu’elle finit par lui transférer. Alors ce dernier décide d’enquêter sur son existence intriguante : comment une femme cultivée, intelligente, indépendante financièrement et entourée d’amis et de famille peut être écrasée à ce point-là par son mari ?
Récit poignant d’une émancipation féminine, Eric Reinhardt signe un texte fort qui illustre avec brio l’enfer de la perversion et de la lâcheté. Au fil des pages, entre tension et passion, l'auteur nous fait subir ce cauchemar quotidien. A travers l’histoire de cette femme attachante, il dénonce un tabou de notre société, celui de la violence faite aux femmes. L’amour et les forêts est un roman à la fois dur et passionnant, parfaitement maîtrisé et qui ne laisse pas indifférent.
Critique rédigée par Marie Heckenbenner
"L'amour et les forêts", Eric Reinhardt, Editions Folio, 416 pages, 9,20 €
Ils sont aussi en poche :