Faire un classement des meilleurs albums de l'année est très difficile. Surtout que cela engage forcément une grande part d'arbitraire et de subjectivité. Mais l'exercice reste intéressant et stimulant pour essayer de comprendre pourquoi certains albums ont particulièrement marqué cette année et d'autres non. Il faut donc prendre ce top comme la simple expression des goûts de l'auteur de ces lignes, qui ne sont par ailleurs pas forcément en phase avec les courants les plus populaires. Nous espérons simplement que certains y trouveront peut-être quelques bonnes découvertes, des choses qu'ils connaissent déjà, ou bien qui les feront réfléchir à leurs propres préférences.
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Cate le Bon – Reward (Kemado Records / Mexican Summer)
Avec « Reward », Cate le Bon sort un album très chaleureux avec beaucoup de cuivres et de claviers, qui n’hésite pas à laisser planer les ambiances et à expérimenter sur les structures - fait assez rare pour un album de pop indé. Très bien produit, très bien écrit, l’album s’écoute en toutes circonstances avec plaisir.
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Ana Frango Eléctrico – Little Electric Chicken Heart (RISCO)
La Brésilienne Ana Frango Eléctrico sort un premier album très impressionnant mêlant musique traditionnelle brésilienne, bossanova, jazz et pop indé contemporaine. Des compositions très bien écrites et jouées, le son chaud de l’album est un régal d’un bout à l’autre. Passé assez inaperçu, cet album vaut le détour !
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Pan-American – A Son (kranky)
Cet album de Mark Nelson, aka Pan-American, est un subtil mélange d’ambient, de musique électronique et de post-rock et promet à chaque écoute de longs moments de joies abstraites à se perdre dans les longues compositions mélancoliques de “A Son”. A ne pas manquer pour des moments de réflexions, de travail ou tout simplement de méditations.
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Fontaines D.C. – Dogrel (Partisan Records)
Un des albums post-punk de l’année pour cette première sortie du groupe dublinois Fontaines D.C. “Dogrel” regorge de chansons intenses et puissantes mais également mélodiques. Fontaines D.C. promet pour le reste de sa carrière ! Mais en attendant, ce premier essai met déjà la barre très haute et montre une maturité et une personnalité unique.
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Matana Roberts – COIN COIN Chapter Four : Memphis (Constellation)
Voici le quatrième volet de la série d’albums “COIN COIN” de la saxophoniste de free-jazz américaine Matana Roberts, et le moins qu’on puisse dire, c’est qu’il ne déçoit pas par rapport aux précédents. On peut même argumenter pour dire qu’il s’agit sans doute de l’opus le plus ambitieux. Très mystérieux, nous n’avons pas fini de déchiffrer tout ce qu’il se passe dans ces chansons - et il s’y passe énormément de choses, l’album alterne entre un free-jazz, du spoken word, des moments d’une grande beauté et d’autres effrayants. Une expérience unique et en tout cas inoubliable.
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Sunn 0))) – Pyroclasts (Southern Lord Recordings)
Le groupe culte de drone metal Sunn O))) a sorti deux albums cette année. Le premier “Life Metal”, est sorti au début de l’année et est plus frontal et direct, alors que l’autre sorti plus tard, “Pyroclasts”, est plus méditatif et court. Il faut cependant dire que ce plus petit format et la clarté des ambiances proposées par le groupe font mouche et aboutissent finalement à l’un de leurs meilleurs albums depuis quelques années. A écouter à volume élevé pour plus de sensations.
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Richard Dawson – 2020 (Domino Recording Co Ltd)
Richard Dawson revient cette année avec un album très différent de son dernier, où il se focalise sur notre monde contemporain en apportant chanson après chanson sa vision des choses très sarcastique, touchante et détaillée. Pour ceux qui aiment plonger dans les paroles et aiment des albums assez politisés et critiques.
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Kim Gordon – No Home Record (Matador Records)
Kim Gordon, l’ancienne bassiste et chanteuse de Sonic Youth, sort son premier album en solo. Et le résultat est à la hauteur de l’attente : une grande variété de sons, allant d’inspiration à la Iggy Pop and the Stooges à une chanson avec une instrumentale inspirée de la musique trap. Kim garde, malgré sa longue carrière et son statut de légende punk, une vrai volonté d’innovation.
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Matmos – Plastic Anniversary (Matmos / Thrill Jockey Records)
Le duo de musique électronique Matmos sort un nouvel album qui, comme à chaque fois, tourne autour d’un concept et défi. Cette fois-ci, l’album est composé uniquement à partir de matériaux en plastique ! Enregistrés de manière astucieuse et remixés par la suite, les sons de Matmos nous surprennent encore avec cette expérimentation très fun et enrichissante.
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Tim Hecker – Anoyo (sunblind music)
Le deuxième volet des enregistrements japonais de Tim Hecker est l’un des meilleurs albums méditatifs de l’année. Difficile de rester indifférent aux différentes vagues sonores ainsi qu’aux instruments à cordes et vent traditionnels qui accompagnent Tim Hecker sur cet album. La bande-son mélancolique de l’apocalypse !
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Yazz Ahmed – Polyhymnia (Night Time Stories Publishing / Ropeadope LLC)
Yazz Ahmed nous amène ici un album très ambitieux, intense, et merveilleusement joué, de jazz fusion à tendances orientales. La trompettiste britannique impressionne de puissance et d’intelligence musicale sur cet album dont chaque écoute révèle différentes facettes.
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Tropical Fuck Storm – Braindrops (Tropical Fuck Storm / Joyful Noise Recordings)
Le groupe australien Tropical Fuck Storm trouve son plein équilibre sur ce deuxième album qui est à la fois assez abrasif et mélodique. Il faut aimer la voix cassée qui est proposée ici et avoir un certain goût pour le rock à tendance 90s un peu amer et désabusé, mais si c’est le cas, un vrai régal !
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JPEGMAFIA – All My Heroes Are Cornballs (EQT Recordings)
Le rappeur et producteur inclassable JPEGMAFIA sort son premier album depuis la percée de “Veteran”. Même s'il a axé sa campagne marketing sur le fait que ses fans allaient être déçus, il s’avère que l’album est à nouveau très réussi, complexe et innovant. Impossible de s’ennuyer ici et on passe allègrement de moments très bruitistes à du rap plus classique à des chansons étonnant entêtantes et pop.
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Felicia Atkinson – The Flower and the Vessel (Shelter Press)
Sans aucun doute l’un des albums ambient de l’année. La française Felicita Atkinson nous fait voyager à travers toutes les émotions dans cet album contemplatif et poétique. Pour ceux qui ont le temps de se perdre.
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Jessica Pratt – Quiet Signs (City Slang)
L’album le plus doux que vous entendrez cette année. Jessica Pratt sort son troisième album et sa formule minimaliste ne s’épuise pas, notamment grâce à une voix discernable entre mille et des chansons frêles qui n’ont besoin que de très peu pour vous faire décoller. Un album qui peu à peu s’est hissé parmi les meilleurs de l’année, simplement par la force de sa beauté brute.
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Xiu Xiu – Girl With a Basket of Fruit (Altin Village & Mine)
Un des albums les plus intrigants et traumatisants de l’année (voire de la décennie), et ce même pour Xiu Xiu ! Il y a sur cet album certains des moments les plus effrayants que nous ayons jamais entendu dans une chanson. On connait pourtant bien l’imprévisibilité de Jamie Stewart, qui est capable de tout, du plus doux au plus abrasif. Cet album demeure un des meilleurs du projet Xiu Xiu, pour ceux qui peuvent le supporter (attention à vous).
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Angel Bat Dawid – The Oracle (International Anthem)
Encore un album de free-jazz par l’incroyable saxophiniste Angel Bat Dawid. Assez lo-fi, cet album de “jazz spirituel” est très inspiré de la condition noire aux Etats-Unis, et en passe par un onirisme profond à la fois politiquement critique et rassurant. Un grand album pour une grande dame du jazz contemporain.
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Sault – 5 (Forever Living Originals)
Sault, groupe mystérieux britannique sur lequel presque aucune information n’est disponible, sort son premier album, et c’est une vraie petite pépite ! Chaque chanson est instantanément entraînante et dansante, et la magie minimaliste mêlant soul, r’n’b, musiques africaines, est très impressionnante de cohérence. Un album qu’on peut aisément écouter en boucle et qui donne forcément envie de bouger.
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Thom Yorke – ANIMA (Unsustainabubble Ltd / XL Recordings)
Le chanteur de Radiohead, Thom Yorke, n’en est pas à son premier album solo. Mais avec “ANIMA”, on dirait qu’il a enfin trouvé la formule qui donnera toute son importance à son projet personnel. Un album très électronique et dense, avec des compositions qui prennent le temps d’évoluer et d’arriver exactement là où Thom Yorke veut arriver, vers des sensations et des émotions que lui seul peut créer. Un très grand artiste qui cherche toujours à aller plus loin, un album magistral.
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Liturgy – H.A.Q.Q. (Liturgy)
Liturgy est un groupe controversé, et il est évident qu’il n’est pas pour tout le monde. Le groupe américain de “transcendental” black metal pratique une musique difficilement plus extrême. Cet album ne déroge pas à la règle en atteignant de nouvelles extrémités pour le groupe, mais avec une intensité telle et des compositions si ambitieuses qu’il est l’un des meilleurs albums de l’année, et qui prouve que le metal n’est pas un genre de musique figé dans le marbre. Très impressionnant, mais pas pour les oreilles insensibles au versant plus extrême de la musique !
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The Comet is Coming – Trust in the Lifeforce of the Deep Mistery (UMG Recordings / Impulse! Records)
Le saxophoniste anglais Shabaka Hutchings est en train peu à peu de s’imposer comme l’un des musiciens de jazz les plus importants et polyvalents de sa génération. Groupes après groupes, il réinvente un genre musical en pleine renaissance. Avec The Comet is Coming, il faut se préparer à un voyage rythmé et psychédélique, entre jazz fusion et rock progressif des années 70. Un disque dont on ne se lasse pas et qui ouvre beaucoup de perspectives.
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Little Simz – GREY Area (AGE 101 MUSIC / AWAL Recordings)
La rappeuse britannique Little Simz a tout simplement sorti le meilleur album rap de l’année : sur des instrumentaux assez squeletiques pour l’essentiel, elle dégage une force et une sérénité très impressionnantes. A la fois intéressantes dans les paroles et dans leur présentation musicale, cet album est assez brut mais tape juste à chaque seconde.
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Tyler, the Creator – IGOR (Columbia Records / Sony Music Entertainment)
Sans doute l’un des albums les plus unanimement reconnus dans le haut du panier pour 2019. Tyler, the Creator n’est plus à présenter mais il faut toutefois dire qu’il s’agit sur IGOR d’un changement sonique majeur. Avec une esthétique très lo-fi et des chansons qui s’éloignent toujours plus du rap pour aller vers la soul, cet album retrace l’histoire d’une rupture amoureuse du début à la fin. Un choix narratif classique mais que Tyler exécute à la perfection dans un album qui est sans aucun doute l’album “pop” de l’année.
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Weyes Blood – Titanic Rising (Sub Pop Records)
Natalie Merring, aka Weyes Blood, a émerveillé tout le monde cette année avec ce “Titanic Rising”. Un album sur le banal du quotidien et de l’amour dans un monde menacé par la crise environnementale, Weyes Blood prouve sur chaque chanson qu’elle est capable d’écrire des chansons magnifiques et qu’elle est évidemment l’une des meilleures à ce jeu. Il n’y a rien à jeter sur cet album, tout est beau et bien écrit, bien chanté, bien arrangé. C’est rare, mais c’est presque parfait ! A ne surtout pas manquer.
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black midi – Schlagenheim (Rough Trade Records)
Voici un numéro 1 que l’on n’a pas vu venir, jusqu’à la dernière minute. black midi est un groupe britannique très jeune et “Schlagenheim” est leur premier album. Et nous devons l’avouer : l’album ne nous a pas plus à la première écoute. Mais nous n’avons pu nous empêcher d’y retourner parce que quelque chose semblait y être, mais quoi ? Et c’est au bout d’un moment que le déclic est arrivé, et au fur et à mesure de l’année, ce disque s’est révélé comme un objet complètement unique et passionnant. Autant le dire également tout de suite: black midi ne sont pas pour tout le monde. Cette version très brute et froide du rock indé, très loin des groupes les plus populaires de ce genre, ne convaincra pas beaucoup de gens et ce choix sera sûrement totalement incompris pour beaucoup. Mais pour ceux qui auront le même déclic que nous, nous pouvons assurer que black midi a frappé très fort pour son premier opus, que rarement nous n'avons pu observer une telle empreinte musicale pour un groupe si jeune, et que nous sommes encore sous le choc après chaque écoute du disque. Il est parfois difficile d’y croire, encore plus de le décrire, mais ceci existe, et on a qu’une hâte : suivre la carrière de black midi pour voir jusqu’où ils pourront aller.
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