Ouïe et vue semblent tant indissociables, qu’il faut une proposition radicale pour découvrir comment la première peut se passer de la seconde et les autres sensations qui peuvent en découler. C’est ce voyage intime que propose le sonneur et compositeur Erwan Keravec dans son nouveau concert Blind. À écouter, « seulement », au 104 du 29 au 31 janvier.
C’est le genre de concert où il n’y a ni bière, ni photos, ni échanges de regards. On peut y arriver à plusieurs, mais on y pénètre seul.e après avoir ôté manteau et sac puis s’être volontairement bandé.e.s les yeux. Accompagné.e.s par une âme bienveillante jusqu’à une assise, on ne sait pas à quoi ressemble le dispositif dans lequel on prend place. Les questions que se posent l’esprit, seules nos oreilles peuvent y répondre. L’hyper-vigilance auditive se met en marche. Du mouvement à droite, un tic-tic à gauche, des bruits de pas au dessus, une respiration derrière : le concert a-t-il commencé ? Comment, sans nos yeux, infirmer ou affirmer que ceci entre dans la composition musicale ou que cela n’est qu’une pollution sonore extérieure ? L’impression de toucher de l’oreille, l’essence même de la musique concrète. Puis vient, ici ou là, des sons que l’on reconnaît : de la cornemuse, du saxophone, des percussions. Un instant, les notes paraissent loin, puis soudainement les voilà toutes proches. La musique se déplace dans des souffles d’air, elle nous environne. On se fait attentif.ve.s à la vitesse de déplacement du son. On rebondit sur les évocations entendues. De notre esprit émerge des idées, des images, des sensations. On flotte dans ces nappes qui se font méditatives. Le temps devient une donnée abstraite. On ne sait plus tellement où l’on se trouve. On sourit béatement face à la magie de la musique. Et on irradie tellement de plaisir que l’on se dit que ça doit forcément se voir.
Blind
conception Erwan Keravec
avec Erwan Keravec (cornemuse), Philippe Foch (batterie, percussions), Elise Dabrowski (contrebasse), Raphaël Quenehen (saxophones)
réalisation électronique Géraldine Foucault ou Kenan Trévien
au 104, Paris du 29 au 31 janvier.