En 2015, la jeune Nancéenne Laura Cahen, lauréate du Fair en 2013 et sélectionnée aux Inouïs du Printemps de Bourges, nous présentait un EP de six titres ainsi que le clip surréaliste de la chanson Froid, son titre-emblème. Attendu depuis deux ans, le premier album de Laura Cahen, signée sur le label Bellevue, est sorti le 24 février 2017. Un disque lyrique et audacieux, qui est loin de nous laisser de glace.
Un album contemplatif
On avait déjà remarqué la ressemblance du timbre feutré de Laura Cahen avec celui de Camélia Jordana. Sa prononciation langoureuse et son vibrato court rappellent encore les intonations de l’ancienne candidate de la Nouvelle Star. Mais dès les premières notes de cet album, Laura Cahen se distingue en noyant sa voix dans une réverbe puissante qui la fait paraitre lointaine. Loin, c’est d’ailleurs le titre de ce premier morceau, une superbe entrée en matière pour ce disque qui s’annonce aussi riche que subtil.
A lire la tracklist, on pourrait même parler d’un album concept. Nous sommes dans le Nord, Loin, il y fait Froid. Devant nous s’étend un paysage sombre, triste et Amer sur lequel s’abat La Pluie. Les Roseaux tanguent au gré du vent, Les Cigognes s’envolent tandis qu’à l’horizon ne brillent que trois sources de lumière : un Réverbère, le pâle soleil de Mai et le Feu. Des titres sobres qui convoquent un imaginaire commun : celui du voyage, de l’inconnu, des éléments qui se déchainent tandis qu’une voix pleure ses amours perdues. L’album Nord est un album contemplatif. Les onze chansons qui le composent sont autant d’expériences synesthésiques dans lesquelles on entend le vent, on sent la pluie, on voit l’orage… En cela l’univers visuel de Laura Cahen est en parfaite adéquation avec sa musique. Un univers en noir et blanc, teinté de beaucoup de mélancolie et d’un brin d’angoisse, avec toujours cet espoir de s’élever plus haut, de percer les nuages pour retrouver les rayons du soleil.
[embed]https://www.youtube.com/watch?v=ZsHfLFiAKOw[/embed]Du lyrisme à l’élégie
Parmi les titres forts, on retient Loin bien-sûr mais aussi Réverbère et sa mélodie lumineuse, la seule chanson où le « je » a laissé place au « il », passant du registre lyrique à celui du conte. Froid, single épique, désarçonne autant qu’il séduit. Au fur et à mesure que l’album avance, les mots résonnent enfin plus forts. Dans une atmosphère mystique, parfois gothique, on comprend l’artiste : « Je chante la pluie », déclame-t-elle. « Je chante l’absent en attendant la vie ». Dans La Pluie, Laura Cahen chante aussi la Lune, un astre qui symbolise bien son univers, puisque Nord est un album définitivement lunaire, atypique et froid, éclatant et ensorcelant. Sur Les Roseaux, la mélodie se balance aux quatre vents. Le titre Ça Dépend des Saisons est un tango étrange où les sonorités claquent. La brise et les oiseaux sont de retour dans Mai, qui nous rappelle vaguement Le Vieil Amant d’Emilie Simon. Le lyrisme a fait place à l’élégie, les refrains sont devenus incompréhensibles et l’auditeur se noie dans la langueur d’un chagrin sans fin. Quel plaisir de retrouver le piano et les tambourins qui crépitent dans Feu, avant le titre final, Les Cigognes, qui nous annonce au bout de 06 :57 que l’orage est finalement passé.
On ne ressort pas indemnes de l’écoute de ce premier album de Laura Cahen. Avec un univers aussi affirmé, la chanteuse séduit, bouleverse, envoûte ou agace. Elle laisse en tout cas sa marque dans le paysage de la nouvelle chanson française, celle d’une artiste qui n’a pas peur d’aller au bout d’elle-même pour écrire et chanter ses angoisses, ses désespoirs et ses rêveries. Elle a en cela été bien accompagnée par la production de Samy Osta, déjà connu pour ses collaborations avec La Femme, Feu ! Chatterton et Juniore. Avis aux rêveurs mélancoliques, Nord de Laura Cahen, est un album fait pour vous.
[embed]https://www.youtube.com/watch?v=j6aiCdPraa8[/embed]Retrouvez Laura Cahen sur son site officiel et sa page Facebook. L’album Nord est disponible partout : Fnac (12,99€) Itunes (9,99€) Spotify / Deezer