Avec Pupille (2018) Jeanne Herry explorait l’adoption d’un enfant né sous X, c’est désormais la justice restauratrice que la scénariste et réalisatrice projette sur grand écran. Une mise en lumière sur cette pratique peu connue en France, qui tisse un dialogue entre agresseurs et victimes. Transporté par un casting cinq étoiles, Je verrai toujours vos visages réunit celles et ceux que tout oppose mais qui ont un point commun : dialoguer pour être enfin apaisés.
Grégoire (Gille Lellouche), Nawelle (Leïla Bekhti) et Sabine (Miu-miu) ne se connaissent pas, pourtant ils ont un passé commun : ils ont été victimes de vol, d’homejacking ou de vol à l’arraché. Nassim (Dali Benssalah), Issa (Birane Ba) et Thomas (Fred Testot) , eux, sont condamnés pour vol avec violence. Quant à Chloé (Adèle Exarchopoulos) elle à été victime plus jeune d’inceste par son grand frère. Ensemble et avec l’aide de professionnels et bénévoles, ils s'engagent dans des mesures de justices restauratives avec pour seul objectif : dialoguer pour comprendre, de nouveau se faire confiance etprendre conscience des actes commis.
Crédit photo : Christophe Brachet - 2022 -
Chi Fou Mi Productions - Trésor Films - StudioCanal - France 3 Cinéma
La justice restaurative : quand la parole prend le pouvoir
Encore trop peu méconnu en France, la justice restaurative a été adoptée en 2014 sous l’impulsion de Christiane Taubira, alors Ministre de la Justice. Elle permet aux victimes d’exprimer leur état d’esprit sur l’acte criminel subi, et d’avoir entre autres des réponses à leurs questions. Pour les condamnés, il s’agit de prendre conscience de leurs actes et des répercussions de leurs agissements sur la vie d’autrui. Une manière de panser les traumatismes des uns et de favoriser la réinsertion des autres.
Encadrés et préparés par des médiateurs, les victimes se retrouvent projetés en prison face à des détenus, condamnés pour des faits comparables (et non ceux subis par les victimes). La parole devient alors un lien, un pansement et se traduit par une prise de conscience pour certains. L’occasion pour la réalisation de mettre également l’accent sur les CPIP (Conseiller Pénitentiaire d’Insertion et de Probation) et le travail des professionnels ou bénévoles qui accompagnent chacune des parties grâce à des mesures personnalisées, et un soutien sur plusieurs mois.
Crédit photo : Christophe Brachet - 2022 - Chi Fou Mi Productions -
Trésor Films - StudioCanal - France 3 Cinéma
Outre les cercles de parole entre victimes et agresseurs, d’autres formes de justice restauratrice peuvent être mises en place : c’est le cas de Chloé (Adèle Exarchopoulos) accompagnée par Judith (Elodie Bouchez). Cette dernière demande à mettre en place une méditation avec son frère (Raphaël Quenard) qui a abusé d’elle quand elle était enfant. Alors qu’il vient de purger sa peine, il vient de se réinstaller dans la même ville, et elle souhaite placer un cadre strict afin de ne pas le croiser à l’improviste.
Quand l'union fait la force
Jeanne Herry pousse chaque personnage à se libérer, à se livrer grâce à des monologues précis et exigeants. Des faces à faces troublants de vérité, un long métrage réalisé entre la fiction et le documentaire qui engage le spectateur dans une ambiance pesante. Tour à tour, chaque personnage se confie, dans l’émotion, la colère et parfois l’incompréhension, mais au fil des séances les cœurs vont s’adoucir et les liens humains vont se recréer.
La réalisatrice fait le choix d’un film ambitieux mais tout en simplicité grâce à des scènes tournées quasiment à l’identique. Une salle avec très peu de luminosité, des silences pesants, et des chaises en ronde pour former le groupe de parole. Une façon pour le spectateur de se focaliser sur chaque histoire et de s'imprégner du récit de chacun.
Crédit photo : Christophe Brachet - 2022 - Chi Fou Mi Productions -
Trésor Films - StudioCanal - France 3 Cinéma
Le titre du film est puissant et porte un message à double facette, les victimes se souviennent toujours du visage et du regard de leur agresseurs. Quant aux condamnés, ils se souviendront longtemps de ces échanges et de ces regards intenses. Une justice restauratrice optionnelle mais libératrice pour ceux qui la suivent.
En salle depuis le 29 mars