12 ans après Le Jour de la grenouille, la scénariste et réalisatrice Béatrice Pollet s’attaque à un sujet de société et qui concerne 1 naissance sur 500 : le déni de grossesse.
Autrefois tabou et méconnu, les médias et les témoignages ont depuis plusieurs années mis en exergue ce phénomène psychologique. Toi non plus tu n’as rien vu revient sur le parcours du combatttant d’une femme accusée d’infanticide suite à son déni de grossesse et, qui doit répondre devant la justice.
Claire (Maude Wyler) et Sophie (Géraldine Nakache) sont amies et avocates. Mariée et mère de deux petites filles, Claire est soudainement prise de maux de ventre un soir. Sans le savoir, elle accouche et met le bébé dans un sac plastique puis le dépose sur le couvercle d’une poubelle devant son domicile. Retrouvée en sang et inconsciente le soir même par son mari, s’engage alors pour elle et pour sa famille, une bataille judiciaire. Elle est accusée de tentative d’homicide sur enfant de moins de 15 ans. A son mari, à sa meilleure amie qui va assurer sa défense, à tous, elle dit qu’elle ignorait être enceinte. Elle n’a rien vu, tout comme eux qui n’ont rien vu non plus…
Copyright Sensito Films
Un thriller judiciaire et intimiste
Pour réaliser ce long métrage, Béatrice Pollet s’est documentée et informée sur le déni de grossesse, très peu connu il y a encore une dizaine d’années en France. Elle a notamment fait la connaissance du docteur Félix Navaro (à qui elle dédie le film), fondateur de l’Association Française de la Reconnaissance du Déni de Grossesse. C’est à un de ses colloque, qu’elle rencontre une femme qui a fait un déni de grossesse (au moment des faits, ni elle ni sa famille ne mettaient un mot sur ce phénomène), malheureusement le nouveau-né n’a pas survécu. Jugée pour homicide, elle restera 9 mois en prison.
Béatrice Pollet a alors voulu mettre en scénario cette rencontre bouleversante et évoquer la souffrance d’une famille et d’une femme, déjà mère d’un enfant. Durant huit longues années, la scénariste a mûri son texte s’appuyant sur des témoignages réels pour réaliser ce thriller judiciaire. Pour être le plus crédible possible et rendre à l’image ce qui est le plus juste, le scénario a été relu par des médecins, avocats, juges et par des experts psychiatres et obstétriciens.
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Entre troubles et préjugés
Le film s’ouvre sur un plan de Claire qui saute dans une piscine. En maillot de bain, elle apparaît avec un ventre plat, dans la réalité, elle est enceinte de 8 mois et demi et accouche deux semaines plus tard. C’est à travers cette image que la réalisatrice a voulu montrer l’ampleur de ce phénomène troublant, le déni de grossesse.
Le bébé se cache, parfois le long de la colonne vertébrale et le ventre ne s’arrondit pas. La grossesse peut être découverte au hasard lors d’une radio ou d’une échographie, ou bien quelques minutes avant l'accouchement. Aucun signe avant coureur n’est descellé (pas de prise de poids et les règles sont toujours présentes). Le déni de grossesse se traduit par une certaine fragilité psychologique et peut toucher toutes les femmes, peu importe son statut social. Grâce à ce travail d’investigation mené par la réalisatrice, le film crédibilise auprès des spectateurs un procès qui n’empiète en aucun cas sur le parcours personnel de Clare, ici fragile mais jamais victimisée.
À travers ce long métrage, on se rend compte du bouleversement pour la femme mais aussi pour sa famille et son entourage, qui voit sont quotidien chamboulé. Si faire face à ce genre d’épreuve reste douloureux pour l’entourage, il est encore plus difficile pour ces femmes - accusées et démunies - de reconstruire leur vie sociale, leur carrière, mais surtout de se reconstruire dans leur propre corps.
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En salle depuis le 8 mars