Tiré du roman de Scholastique Mukasonga, le troisième film de l’écrivain et réalisateur Atiq Rahimi - qui pour la première fois n’adapte pas son propre livre - revient sur les tensions ethniques naissantes dans les années 70 au Rwanda. Vingt ans plus tard, le génocide décimait 800 000 personnes en 3 mois.
Une joyeuse sororité adolescente règne dans le pensionnat de jeunes filles de bonne famille Notre Dame du Nil. Les filles de ministres et de notables partagent un même dortoir, lieu de confessions et de batailles de polochons. Loin des vices de la ville, elles traversent ensemble l’adolescence au milieu d’une nature luxuriante mais fermement engrillagée.
Une morale chrétienne des plus strictes y est délivrée par des instituteurs, tous blancs, patronnés par l’autoritaire mère supérieure. La seule langue autorisée est le français, on étudie exclusivement l’histoire de l’occident et aucun garçon ne peut franchir la porte de l’établissement. Le quotidien y est ponctué de messes, de cours de broderie et de processions jusqu’à la statue de la vierge noire, Notre Dame du Nil, qui veille sur les futures femmes à marier.
Dans cette atmosphère élitiste en apparence exemplaire, les professeurs semblent plus préoccupés par la réputation de leur institution que par le bien-être de leurs étudiantes. Et le pensionnat, aussi hermétique qu’il se veuille, se trouve bien vite contaminé par les injustices et les tensions raciales en germe dans le pays.
C’est Monsieur de Fontenaille (Pascal Greggory), un homme blanc habitant non loin de là, qui ouvre la danse. Il repère Veronica et Virginia, les deux jeunes filles d’origine tutsi que l’établissement tolère au nom du quota national de 10% d’étudiants issus de “l’ethnie minoritaire”. Fontenaille les invite chez lui, leur expose ses fantasmes ethniques sur l’origine pharaonique des tutsis et les enjoint à participer à ses étranges cérémonies rituelles.
Peu après, pour déguiser une maladresse, deux étudiantes font croire à une attaque de tutsis… Et la situation dégénère en un éclair. Gloriosa, fille de ministre au caractère bien trempé, devient la cheffe de file des anti-tutsis de l’école.
La violence, de plus en plus palpable, contraste avec les superbes images aux tons pastel : des paysages naturels filmés en grand angle et la danse envoûtante des jeunes filles vêtues de linge blanc ponctuent admirablement la narration. Malheureusement, les uniformes font de belles images mais de piètres récits, puisqu’il est souvent difficile de distinguer les étudiantes et donc, de s’y attacher.
Pour autant, on saluera l’analyse nécessaire et originale sur la propagation sournoise de la haine sans retour en arrière possible, problème bel et bien universel.
Notre Dame du Nil de Atiq Rahimi Sortie le 5 février 2020