Un homme attend huit ans pour se venger d’un crime que tout le monde a oublié. Raul Arévalo, acteur solidement ancré dans le cinéma espagnol - qu’on a pu voir récemment dans le très bon Isla Minima d’Alberto Rodriguez - passe à la réalisation avec La Colère d'Un Homme Patient, film nerveux et maîtrisé, grand vainqueur de la dernière cérémonie des « Goyas », les « Césars » espagnol.
Une mise en scène ambitieuse
Après une première scène d’un braquage qui tourne mal, magistralement réalisée, tout en plan séquence embarqué, le film souffre, dans son exposition, de légéres maladresses communes à de nombreux premiers films - trop de personnages et de décors qui défilent, panneaux informels qui saccadent la fluidité de la narration - qui empêchent toute identification. Malgré la sincérité authentique du réalisateur de retranscrire l’ambiance des villages de sa Castille natale, on a du mal à cerner les liens entre ses personnages, trop proches des d’archétypes du thriller, qui laissent présager un film aux trop lourdes ficelles. Ce n’est que lorsque la narration se resserre autour des deux protagonistes principaux que le film s’attaque de front à son sujet, notamment grâce à un plan de visionnage de vidéos de surveillance, glaçant de brutalité, qui installe la tension psychologique et le cœur du film.
©La Colère D'un Homme Patient/ ARP Sélection
Nervosité d'un jeu en duo
En reprenant les thèmes du thriller vengeur de Que la bête meure de Claude Chabrol, La Colère D'un Homme Patient parvient efficacement à mettre en scène la perte d’humanité qui gangrène en silence ceux qui sont rongés par l’injustice et s'affranchissent de toute limite morale. La relation qui unit le bourreau et sa victime bascule lentement au rythme du récit. Elle étouffe toute chance de salut à la manière des anneaux d’un serpent, distille une violence froide et sans retenue où la vengeance n’est que le reflet de la bestialité contenue qui sommeille en chacun de nous. Cette relation est d’autant plus marquante qu’elle est solidement interprétée par les deux acteurs principaux, Antonio de la Torre et Luís Callejo, entourés par des seconds rôles, véritables gueules de cinéma.
©La Colère D'un Homme Patient/ ARP Sélection
Aidé par un 16mm qui apporte à l’image une teinte poussiéreuse, le réalisateur réussit à respecter les codes des films de vengeance se concluant sur un final aride et maitrisé - quoi que classique - l’influence de Sam Peckinpah, en particulier avec Les Chiens de Pailles, n’étant jamais très loin.
A défaut de renouveler le genre ou de le transcender, et malgré quelques loupés, La Colère d’un Homme Patient est un premier film qui parvient à atteindre ses objectifs, nous offrant un thriller efficace où se distingue une volonté de mise en scène singulière, signature d’un réalisateur en devenir.
[embed]https://youtu.be/mNfg0oG1dZg[/embed]