Plus qu’un documentaire cinématographique, Douce France est un témoignage touchant d’une émancipation intellectuelle et sociale d’adolescents, issus de la banlieue parisienne. Un pari réussi pour le réalisateur Geoffrey Couanon qui aborde avec brio les questions d’urbanisme et met en lumière la jeunesse et son éveil politique.
Dans “Douce France”, on suit Amina, Jennyfer et Sami, 3 lycéen.nes de Villepinte (93), engagés dans une enquête sur le projet EuropaCity, qui vise à urbaniser les terres agricoles de Gonesse pour en faire un centre commercial. Entre arguments de l’opposition et promesse d’une « destination touristique », on assiste surtout à l’éveil critique d’adolescent.es en prise avec la complexité de notre monde actuel.
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Au plus proche des terres
Dès les premières images et grâce aux archives, le spectateur part à la découverte des quartiers du 93. Ces dernières replacent alors le territoire dans son histoire : celle d’une urbanisation forte, qui a grignoté si rapidement sur les terres agricoles, qu’on en oublie leur existence et leur rôle central.
Enquêter sur EuropaCity pour Sami, Amina et Jennyfer, c’est partir à la rencontre des agriculteurs, d’un directeur de centre commercial, ou encore de Clémentine Autain, députée française. Leur but ? Comprendre la réalité des territoires productifs français. Cela les amènera à prendre conscience de la dimension politique de ce qui nous entoure mais aussi de l’impact qu’engendre notre consommation.
Leur prise de conscience, on y assiste tout au long du film. Là où Amina affirme, en début d’enquête, que les loisirs ne sont pas politiques, elle finit par être emballée par la mode de seconde main. Douce France est un film qui capte l’éveil citoyen de jeunes. Mais surtout, qui filme avec brio comment ces adolescents s’ouvrent non seulement au monde, mais construisent un référentiel de valeurs dans lequel ils se positionnent.
Ensemble, Sami, Jennyfer et Amina dialoguent, échangent, se contredisent, partagent leurs idées. Jennyfer le dit, « on a jamais les mêmes arguments, on sait jamais quoi penser ». Ainsi, à force d’échanges et de questionnements, ils.elles apprennent : à analyser quand on les manipule et identifier ce qui leur tient à cœur et ce qui leur correspond.
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Un film sur la rencontre
Douce France ce sont des rencontres. C’est la rencontre de générations (avec des opposants au projet qui ont « les cheveux blancs »), c’est la rencontre de milieux invisibles (avec les milieux agricoles), c’est la rencontre de gens aux positions totalement opposées. C’est la rencontre des territoires urbains avec les territoires productifs.
Douce France c’est un film qui pose la question de notre relation à ce qu’on propose et ce qu’on produit, en tant que société. C’est un film où des adolescent.es partent en croisade pour convaincre de l’absurdité d’un projet d’urbanisation qui propose une piste de ski en Ile-de-France. C’est un film qui nous place comme agent pensant et actif du monde que l’on construit.C’est un film où on demande clairement : « elle ressemble à quoi la France maintenant ? ». Elle ressemble à ça, hors des clichés sur les jeunes, sur les banlieues, sur le monde agricole, et c’est beau à voir.
On connaît tous et toutes, au moins de nom de projets d’aménagement qui clivent, qui déchirent, qui agitent le débat, avec une difficulté folle : celle d’en saisir tous les tenants et aboutissants. Avec Douce France, Geoffrey Couanon réussit avec brio de parler d’urbanisme aux non-initiés, en suivant de jeunes adolescent.es parti.es à la rencontre des défenseurs et opposants d’EuropaCity. Un film qui devient plus qu’un documentaire mais un outil de projection dans l’avenir et dans la société.
Douce France de Geoffrey Couanon, sortie le 16 juin 2021