Lorsqu'il écrit Truman, Cesc Gay vient de perdre sa mère. Avec ce récit trop plein de bons sentiments, le réalisateur Catalan s'emploie à positiver la douleur attachée à la perte d'un être cher et peine à explorer, malgré deux comédiens formidables, le concept de transmission intrinsèque à la mort.
Julian est malade. Tomàs, un vieil ami qui vit au Canada, lui rend visite à Madrid. Ensemble ils vont rire, pleurer, s’énerver et surtout se préoccuper de l’avenir de Truman, le vieux chien de Julian.
©Universum Film
Cesc Gay, jeune mais déjà prolifique cinéaste catalan, nous livre sa recette d’un film réussi. Prenez une histoire qui touche tout le monde (la mort en l’occurrence), ajoutez-y des dialogues savoureux, laissez deux des plus immenses comédiens latins vous les servir, mélangez et vous obtenez… Truman. Un film drôle et touchant, admirablement bien joué mais qui, hélas, manque un peu d’âme. Car si l’auteur arrive habilement à manœuvrer entre rires et larmes, il n’atteint jamais réellement le but escompté ; celui de nous faire subtilement comprendre que le plus dur face à la mort (et donc dans la vie) c’est le regard de l’autre.
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Et le regard que l’on pose sur Julian, c’est celui de Javier Camara alias Tomas, fraîchement débarqué de Montréal et chargé de la délicate mission de convaincre son ami de reprendre la chimiothérapie qu'il a récemment abandonnée. Très vite cependant, Julian lui assure qu’il n’a pas plus l’attention de se soigner que de faire piquer son chien. A travers ce processus narratif, Cesc Gay pose le personnage de Tomas comme simple spectateur. La force du jeu de Javier Camara réside donc dans le fait d’accepter de se mettre en retrait, de faire preuve d’abnégation face à l’immense talent de Ricardo Darin. Celui-ci, par son charisme hors-norme, sa voix chaude et rocailleuse et le pétillement de ses yeux, crève littéralement l’écran et l’on sent tout le plaisir que prend Javier Camara à l’observer cabotiner. Car le personnage de Julian est comédien de théâtre (tiens, tiens…) et lorsqu’il interprète le comte de Valmont, perruque blanche et visage fardé à l’appui, on ne peut s’empêcher de penser à un clown triste exécutant sa dernière représentation. Dernière représentation qui s’effectue d’ailleurs au rythme des larmes, des rires ou des soupirs exaspérés de Tomas, signaux ostentatoires qui apparaissent comme autant de marqueurs émotionnels servant à dicter la ligne de conduite du spectateur, un peu à la manière de ces rires préenregistrés qui viennent appuyer les temps forts des sitcoms américaines.
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C’est ce manque de finesse qui dessert Truman, car si le parti pris de Cesc Gay est de faire un drame dont on puisse rire, il envisage cependant de parler d’un thème pour le moins évocateur. Que laisse-t-on derrière soi et comment cela va-t-il perdurer ? Et si le choix de la transmission, de la passation d’un héritage est symbolisé par… un chien, le récit reste malgré tout assez convenu. Les réactions, pourtant très bien interprétées, s’enchaînent sans réelles surprises, Cesc Gay peinant à donner l’impulsion qui permettrait à son récit de transcender le postulat initial. Le film reste donc enfermé dans ses revendications sans apporter un angle novateur sur un sujet pourtant maintes fois évoqué.
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Truman apparaît donc comme une mécanique bien huilée dont le sigle estampillé « cinéma indépendant » ne suffit pas à faire oublier le manque d’originalité. Le film convainc pourtant par la justesse de ses deux comédiens et par le bonheur qu’ils éprouvent à s’observer l’un l’autre, prouvant par leur jeu que ce qui compte c’est effectivement le regard de l’autre.
https://www.youtube.com/watch?v=48OOx4i0pqI