Man on high heels ou les errements d'un flic en pleine crise existentielle. A travers ce film le réalisateur Jang-jin questionne la scène coréenne sur son aptitude à transcender les genres et affirme son besoin de changement. Changer pour un cinéma capable de se construire au moyen de la critique sociale.
Ji-wook est un policier émérite dont la principale caractéristique est d’appréhender les suspects à mains nues. Pour ce faire il n’hésite pas à faire preuve d’une extrême violence. Il tire rarement et tue souvent. Mais Ji-wook cache un lourd secret, et s’il est aussi violent c’est simplement pour « faire taire la salope qui est en lui ». Car Ji-wook n’a en fait qu’un seul désir, celui de devenir une femme.
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Une boite de nuit dans le Seoul moderne et lumineux. Dans une salle attenante se tient autour d’une immense table un conciliabule informel entre voyous. L’un d’eux, le plus vieux, peut-être le chef, monopolise l’attention. D’une voie calme où se mêlent crainte et colère, il parle de sa première rencontre avec le policier Ji-wook. Rencontre qui a eu lieu dans un sauna et qui s’est soldée par une sévère correction pour le gangster. Correction d’autant plus humiliante que Ji-wook l’a battu le sexe à l’air (flashback à l’appui). L’irruption de Ji-wook coupera finalement le monologue du mafieux et dans une chorégraphie millimétrée le policier va, avec une déconcertante facilité, mettre en pièce tous les hommes de main présents. Cet incroyable plan séquence (le directeur de la photo est le même que sur Old boy), où les assiettes de nourriture se mélangent aux membres tranchés et le pourpre du sang colore les murs de la pièce, nous donne le ton. Man on high heels est un ovni cinématographique.
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Longtemps, le cinéma coréen a usé du film de genre pour mieux faire face à la réticence du public devant un cinéma trop politisé. En se camouflant derrière des films au registre précis, la nouvelle vague de cinéastes coréens du début des années 90 (Bong Joon-ho, Park Chan-wook pour ne citer qu’eux) parvenait à surmonter le traumatisme engendré par l’après-guerre et à délivrer malgré tout une critique sociale à travers leurs films. Avec Man on high heels, Jang-jin s’amuse à brouiller les pistes. Son film tient aussi bien de la satire sociale que du film d’action bodybuildé. A l’image de son héros, Man on high heels balance entre les genres. Et si Ji-wook masque sa part féminine à grands coups de poings, on peut aisément imaginer que le film se réfugie dans l’action afin de mieux communiquer son message. Le choix de l’acteur Cha Seung Won, habitué des rôles virils à l’écran, est audacieux et parfaitement justifié. Un mouvement de main qui s’attarde, un coup d’œil embarrassé et le policier violent fait place à un être fragile et sensible. C’est la force de Jang-jin, celle d’avoir pu en un film défendre une minorité tout en faisant comprendre à son public que la critique sociale fera dorénavant partie intégrante de son cinéma. Signe que l’on se trouve face à un réalisateur qui, non content d’avoir une vision cinématographique aiguë, a une parfaite compréhension de la société coréenne.
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Man on high heels sonne une ère nouvelle dans le paysage audiovisuel coréen, celle d’un cinéma qui assume peu à peu son rôle d’agitateur de conscience, de trublion de l’ordre établi. A travers ce film, Jang-jin affirme son envie d’un cinéma coréen engagé sans toutefois renier ses racines. A la recherche d’un genre nouveau.
https://www.youtube.com/watch?v=Plmw_SSoE1Y