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Critique : "Les délices de Tokyo", un film de Naomi Kawase

21 janvier 2016, par Untitled Magazine

Ah, Naomi Kawase. Grande déçue du festival de Cannes en 2014, avec son pourtant si délicat et poétique Still the water, elle revient cette année avec un film tout aussi élégant, An, récemment renommé Les délices de Tokyo. Cette fois-ci, la sensibilité naturelle de Naomi Kawase semble, en choisissant un sujet moins difficile, toucher un spectre plus large puisque le film est nommé 8 fois au Festival de Cannes dans la section Un certain regard. Et on comprend pourquoi : on sort de la salle froissés par l'émotion, portés par la douceur d'une réalisation qui fait montre d'une rare puissance.

An, c'est comme cela qu'on désigne au Japon la pâte sucrée faite de haricots rouges qui garnit une friandise japonaise populaire : le dorayaki. C'est autour de ce petit beignet que se retrouvent Sentaro (Masatoshi Nagase) , vendeur de Dorayaki solitaire et bougon, et Tokue (Kirin Kiki), vieille dame aux yeux rieurs et détentrice inattendue d'une divine recette de l'An, qui fera le succès de l'échoppe de Sentaro.

©Neue Visionen Filmverleih ©Neue Visionen Filmverleih

Si la légèreté du prétexte culinaire effraie, c'est pour mieux laisser place à la douceur et à la profondeur d'une réalisation subtile. Cette douceur, c'est d'abord celle du Japon dans laquelle nous plonge Naomi kawase : sakura en fleurs, jeunes collégiennes « kawaii» en uniforme, vent qui glisse entre les feuilles... On retrouve l'atmosphère caressante d'un Japon printanier, à laquelle répond la finesse de personnages touchés par une tristesse solitaire. La vieille dame, Tokue, cache sous ses airs jovials un lourd passé, qui finit malgré elle par la rattraper : les mains tordues par le temps, boursouflées par l'usage, elle révèle à mi-mot la maladie qui a fait d'elle une paria et le fantôme de sa propre vie, la lèpre. Une solitude qui finit par faire écho à celle de Sentaro, abattu par un long séjour en prison et une montagne de dettes. C'est de cette rencontre entre deux solitudes éprouvées que vont naître les étincelles d'un feu nourri par la grâce.

© Neue Visionen Filmverleih © Neue Visionen Filmverleih

Le partage secret et sacré d'une recette de grand-mère sert de socle à la transmission timide d'une sagesse qui s'acquiert dans la peur et les larmes. Une sagesse qui répond avec puissance à cette question fondamentale  : comment retrouver le goût d'une vie où tout est déjà perdu ? Elle nous apprend à écouter ce que les haricots ont à nous dire, à les remercier « d'avoir pris la peine de venir à nous depuis leurs champs », à faire des promesses avec la lune, à écouter les sakura chanter. Une bouleversante invitation à regarder ce qui nous est habituellement invisible, à écouter la musicalité d'un monde secret pour échapper aux douleurs quotidiennes qui abattent le corps et l'esprit. Une leçon de vie qui substitue à la peur et l'indifférence un optimisme et une sagesse communicatives, et qui imprègne le film d'une étonnante délicatesse : Les dialogues sont candides, les émotions pudiques mais puissantes et les rapports bienveillants. On apprend lentement, comme les personnages qui s'apprivoisent doucement, pour finir débordés par un torrent d'émotions sublimes, ravis et comblés d'avoir pu faire l'expérience d'un tel moment de grâce cinématographique.




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