Loin des plages de sable fin aux eaux turquoises, Le professeur de violon nous emmène au cœur d’une des plus grandes favelas brésiliennes, celle d’Heliopolis à Sao Paulo. Entre coups d’archet et coups de couteau, violence et tendresse, Sérgio Marchado dresse le portrait d’un pays en pleine mutation.
Laerte est violoniste, un violoniste sacrément doué. Lors d’une audition qui lui ouvrirait les portes du prestigieux orchestre philharmonique de Sao Paulo, il perd ses moyens, incapable de maîtriser ses nerfs et échoue. Pour payer ses factures, Laerte se retrouve donc à enseigner la musique à de jeunes élèves au cœur de la favela d’Heliopolis. Un boulot qu’il accepte à contrecœur et qui va pourtant bousculer sa vision des choses.
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« La favela est à nous ! » hurle l’un des habitants de la cité. Visage crispé et poing vengeur, il fait face à la police. L’écho de son cri va se perdre dans la nuit. Un cri qui résonne encore longtemps dans nos oreilles et ce bien après la projection du Professeur de violon. Oui, la favela est à eux, aux opprimés, aux délaissés, à ceux dont on perçoit l'âcre odeur de transpiration à travers un écran de cinéma. Toute la force de Sérgio Machado réside dans ce savoir-faire, celui de donner la parole à ceux que l’on n’écoute jamais. Car, d’écoute, il n’est question que de ça. Ecouter l’autre et donc apprendre de lui.
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Dans son film Le professeur de violon, le réalisateur nous délivre une vision binaire de la société paulista, avec d’un côté un monde aseptisé et ennuyant, auquel Laerte ambitionne d’appartenir, et de l’autre celui de la favela; coloré, bruyant et dangereux mais ô combien plus humain. Sérgio Machado prend beaucoup de plaisir à filmer le dilemme que s’impose Laerte, convaincu qu’il est dans l’obligation de choisir, que ces deux mondes se rejettent alors qu’ils sont en fait indissociables et complémentaires. Car Laerte a autant besoin de la favela qu’elle a besoin de lui. Avec ce personnage, Sergio Machado semble indiquer à son pays la voie à suivre ; celle de l’intégration et de l’unité. Le titre du film au Brésil est d’ailleurs Tudo que aprendemos juntos qui signifie littéralement « tout ce que l’on apprend ensemble » (mention spéciale aux distributeurs qui lors des traductions des titres originaux privilégient toujours l’aspect commercial au détriment du sens initial).
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Pour appuyer son propos, Marchado se sert d’artifices plus ou moins subtils. Filmant le Sao Paulo moderne et dynamique comme un monde froid et mécanique, il n’est jamais plus à l’aise que lorsqu’il tourne dans la favela. Lors des séquences à travers celle-ci, la caméra du réalisateur se fait plus pressante, plus intimiste, sans pour autant sombrer dans le voyeurisme. Caméra à l’épaule ou plans serrés, Sergio Machado arrive à capter avec intensité toute l’étendue dramatique que peut revêtir la vie au sein de cet univers. A travers le personnage de Laerte, il apporte un regard profondément humain sur les ghettos brésiliens : c'est avant tout un musicien ambitieux, souvent égoïste, et, en ce sens, véritablement humain. Inspiré d’une histoire vraie, Le professeur de violon parvient habilement à éviter les écueils du genre grâce, notamment, au pluralisme de son personnage principal, qui permet à un drame fleurant bon le politiquement correct de ne pas sombrer dans un récit trop manichéen. De politique il n’est d’ailleurs guère question, le réalisateur se contentant souvent de marteler son message sans apporter de réelles réponses. Car si la musique adoucit les mœurs (la séquence où deux des protagonistes entament un duo guitare-violon au milieu des cartes de crédits volées, en revisitant Bach à la brésilienne, est particulièrement réussie) elle ne suffit pas à les apaiser totalement. Quelle est l’origine de cette violence et pourquoi continue-t-elle de perdurer ? Autant de questions qui restent sans réponse après avoir vu le film.
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Le professeur de violon apparaît donc plus comme une fable émouvante qu'un réel élan pour bousculer le système. On sort pourtant du film bouleversés comme après une sonate de Bach, et, après tout, Sérgio Marchado a sans doute raison ; le grincement des cordes d’un alto vaut toujours mieux que le cliquetis d’un revolver que l’on recharge.
https://www.youtube.com/watch?v=Lb9r7s1ZcyQ