C’est avec une excitation non dissimulée et beaucoup d’attentes que la rédaction d’Untitled Magazine a retrouvé les terres accueillantes de Saint-Père-Marc-en-Poulet (on ne s’en lasse pas !) pour une nouvelle Collection de la Route du Rock. Particularité de cette année, l’envoyée spéciale de la rédaction que je suis n’a pu être présente que sur les deux premiers jours du Festival au Fort Saint Père, petite frustration largement compensée par la qualité de la programmation des 17 et 18 août. Il m’aura fallu d'ailleurs quelques semaines pour m’en remettre et tenter de revenir sur ces deux journées exceptionnelles. Retour sur les concerts qui m’ont le plus marqués !
Squid
Jeudi 17 août, 13h50 dans la navette reliant la gare de Saint-Malo au Fort Saint Père des “ohhh” se font entendre : les Viagra Boys, l’un des groupes les plus attendus de la journée, viennent d’annuler pour des raisons médicales. Dix minutes plus tard, des “ahh” enthousiastes s’élèvent parmi les voyageur.euse.s en nage (il faisait chaud, très chaud) : la déception aura été de courte durée, le groupe de Brighton Squid vient d’être annoncé en remplacement. Pour nous c’est presque un petit miracle tant on avait hâte de les voir défendre leur dernier album “O Monolith” - une pépite de ce début d’année - sur scène. Reste à voir donc s’ils réussiront à consoler le reste des festivalier.e.s déçu.es.
Quelques heures plus tard, le groupe prend place sur la grande scène ensoleillée sous les cris encourageants du public. Ollie Judge, chanteur et batteur du groupe lance un « We’re not Viagra Boys » plein d’humour avant d'entamer le sourire aux lèvres leur premier morceau “Green Light”. Très vite le groupe embarque la foule et met tout le monde d’accord avec ses titres intenses et maîtrisés à la perfection. Ils ont l’air heureux d’être là et n'hésitent pas à partager leur joie avec le public. C’est joyeux, ça fait du bien. Surprise de milieu de set : une reprise de “Sports” des Viagra Boys, décidément la classe ! Fin de set explosive, on hurle à pleins poumons sur leur entêtant “Narrator” avant de filer s’hydrater avant le concert suivant. Bravo Squid, on est conquis.es !
Vous pouvez revoir le set complet de Squid filmé par Arte Concert ici, ou les découvrir sur la scène de l’Elysée Montmartre à Paris le 25 septembre prochain.
King Gizzard & the Wizard Lizard
Quelques claques musicales et deux galettes saucisses plus tard, il est minuit dix et on est fin prêt.es pour le concert des Australiens de King Gizzard & the Wizard Lizard. Il faut dire que ça fait longtemps qu’on attend de les voir sur la scène du Fort Saint Père : le groupe avait été contraint d’annuler sa participation à l’édition de l’été 2022 en raison des problèmes de santé du chanteur et guitariste Stu Mackenzie qui souffre de la maladie de Crohn. Plaisir redoublé donc. L'excitation du public est palpable avant même l’entrée du groupe sur scène, pas étonnant quand on connaît l’adoration que leurs fans portent à ce groupe prolifique et inclassable. Premières notes et entrée en la matière avec la puissante voix d’Ambrose Kenny-Smith, “le meilleur chanteur de ce groupe” me dit Max, mon ami fin mélomane qui m’accompagne ce soir-là. Difficile de ne pas lui donner raison, surtout quand après 1 heure de concert pendant laquelle le groupe met la foule dans un état second en enchaînant les bangers (The Dripping tap, Iron Lung, Ice V), Ambrose se met à rapper sur l'inattendu et hallucinant morceau “The Grim Reaper” tandis que Stu l’accompagne à la flûte traversière. On jubile. Aucun moment de répit, l’intensité du set continue de grimper pour finir sur 20 minutes de trash metal avec des titres issus de leur dernier album... Les King Gizz ont décidément plus d’un tour dans leur sac. 1h30 donc d’un concert si électrisant qu’on ne l’a pas vu passer et qu’on en oublie presque qu’on a mal aux pieds. Pile poil le shot d’énergie dont on avait besoin pour battre le record de la chenille avant de partir en sprint rejoindre nos tentes sous un torrent de pluie. Merci à cet orage monumental pour le dernier spectacle son et lumière de la soirée, et vive la Bretagne !
Vous pouvez revoir le set complet des King Gizzard filmé par Arte Concert ici.
Yo La Tengo
Vendredi 18 août, 19h50, il fait moche depuis plusieurs heures lorsque les légendaires Yo La Tengo entrent sur scène. Le guitariste Ira Kaplan nous explique que le groupe retrouve le public de la Route du Rock après s’y être produit pour la dernière fois il y a 18 ans. Le ton est donné : ces trois-là ont de la bouteille, et c’est peu dire pour ce groupe américain mythique formé dans les années 1980. Le set débute puissamment au son des guitares qui résonnent sur une boucle entêtante, puis ne cesse de changer de visage pour notre plus grand plaisir. Le morceau Aselestine qui arrive en milieu de course nous donne à entendre la superbe voix de la batteuse Georgia Hubley et vient nous caresser les oreilles tandis que quelques rayons de soleil s’occupent de réchauffer nos peaux. Le groupe enchaîne sur “I’ll be around” sorti en 2013, et nous fait vivre un de ces si beaux silences de concert trop rares en festivals. Impression de communion avec le reste du public, c’est beau. C’est tout juste si on entend pas le bêlement des chèvres qui se baladent sur les hauteurs du fort. J’essuie mes yeux un peu humides, et je reprends ma respiration pour une fin de set impressionnante pendant laquelle Ira Kaplan gratte sur sa guitare désaccordée en la faisant tournoyer autour de sa tête, et ce sans avoir un seul instant l’air de se la péter. Merci pour la leçon d’humilité.
Osees
Difficile de raconter ce puissant concert en mots tant un live des Osees se vit avant tout dans le corps. Sous le son des deux batteries synchronisées et d’un John Dwyer en forme olympique, la foule se transforme en quelques secondes à peine en un magma à l’énergie débordante. Ça saute, ça pogote, ça envoie des gobelets et ça slam de tous les côtés et en continu pendant toute l’heure de concert. Pas de moment de répit ! Enfin si, un : celui où le public, hypnotisé, décide de s’agenouiller spontanément en fin de set pour témoigner à ce groupe infatigable sa reconnaissance pour cette grandiose osmose. Une chose est sûre, les manifestations physiques d’un concert réussi sont là : on repart avec un t-shirt qui sent bon la transpiration (un petit cadeau pour la nuit dans la tente) et probablement quelques hématomes de pogos qu’on pourra exhiber à la plage le lendemain.
Vous pouvez revoir le set complet des Osees filmé par Arte Concert ici.
Young fathers
Un des concerts qu’on attendait certainement le plus du festival et pour lequel on trépigne d’impatience est enfin sur le point de démarrer. Il est 1h du matin et Young Fathers entre sur la grande scène du Fort. L’impression est forte dès le début car ils sont nombreux.ses : le trio écossais composé d’amis d’enfance est augmenté de leurs musiciens et de deux choristes, et donne l’impression que c’est un collectif d’artistes plus qu’un groupe qui est venu nous en mettre plein les yeux. Le concert démarre en trombe avec un puissant “Queen is dead” qui embarque instantanément le public, puis le groupe enchaîne avec le morceau “Get Up”. Boosté par la force des chanteur.euse.s qui entremêlent leur voix et scandent les paroles à la façon d’un sermon, on hurle à pleins poumons le refrain “Come here and do the right thing, Get up and have a party, Get up”. C’est le deuxième morceau et on a déjà envie de déclencher des révolutions, ça commence bien (et ça fait du bien) ! L’intensité ne descend pas et le groupe nous offre un spectacle de haute volée : sur scène rien n’est statique, ça bouge, ça danse (mention spéciale pour l’infatigable Kayus Bankole) et ça change de formation dans une chorégraphie bien huilée. Chaque individualité unique trouve la place de s’exprimer tout en participant à la cohésion et à la puissance du collectif. De notre côté, on bouge nos pieds sur ces rythmes entraînants et on se laisse emporter par une palette d’émotions à l’image de la diversité de leur musique : on est tantôt touchés, en colère, survoltés, joyeux, transcendés… bref, on est pris aux tripes d’un bout à l’autre du concert. Le talent de ce groupe est décidément immense, et ce concert était hallucinant.