Des photos contrastées sont accrochées aux murs, des photos où passent une ombre, où se dessinent une peinture, où sont écrits des mots, des morceaux de phrases, des paragraphes entiers. Une vidéo révèle la marche de bobines tournant dans un calme serein. De ces mouvements lascifs, ronds et presque mystérieux s’échappent une mélodie murmurée : une bande son retranscrit des bribes d’instants aux abords imprécis. Une âme s’élève. C’est celle de Jean-Luc Godard.
What we leave behind study 10- C cprint 50x70cm 2015
Stephan Crasneanscki, artiste photographe, inscrit son travail dans le souvenir de ce qui est enfouis, dans ce que l’on ne voit pas mais qui existe, dans les fondations de ce qui permet aux grands la liberté d’expression de leur génie. Il est ici question de dévoiler les archives de l’un des plus grands cinéastes. Celui qui a révolutionné le cinéma français, qui a impulsé le courant de la Nouvelle Vague en repoussant les limites du 7ème l’art, voit ici les prémices de ces réflexions décortiquées. C’est là que l’on appréhende la beauté du travail : découvrir la charpente de la création, cette armature cachée, oubliée du spectateur, nourriture vitale de l’artiste. Stephan Crasneanscki cherche à comprendre ce qui appartient aux grandes figures. Dans sa précédente série Landscape and Memory, il a photographié, dans une esthétique majestueuse, les paysages où raisonnait le passage d’illustres (la forêt noire où a vécu Martin Heidegger, les montagnes de Crimée où l’avion de Joseph Beuys s’est écrasé, le domaine d’Iasnaïa Poliana où est enterré Léon Tolstoï…).
Aujourd’hui, il présente une mise en abyme, le travail d’un travail, un travail sur un autre. Il y a quelque chose qui rappelle ce dont parlait Walter Benjamin lorsqu’il évoquait l’ « aura » d’une œuvre, l’ « aura » d’un artiste. Lorsque l’on entre dans la galerie, lorsque l’écho des extraits de films et la voix du réalisateur parviennent à nous, un sentiment de nostalgie admirative nous envahie. Et c’est là toute la puissance des images de Stephan Crasneanscki qui ouvrent une fenêtre dans les rouages de ce qui a été. Le photographe capture l’image qui expose l’art, peut-être premier, de ce qui échafaude l’inspiration.
What we leave behind study 9- C cprint 50x70cm 2015
L’archive, cette trace permettant à la mémoire d’être témoin des recherches, des idées puis des choix, se réactualise dans l’œuvre du photographe et rapproche le génie de Godard de nos propres esprits. Revivification de la recherche, cette série est d’autant un joli hommage qu’elle est élaborer avec talent.
What we Leave Behind, Stephan Crasneanscki Jusqu’au 27 février 2016 Galerie Odile Ouizeman 10 / 12 rue des Coutures Saint Gervais 75003 Paris