Le musée Picasso présente une facette négligée du travail de Pablo Picasso : son rapport à la sculpture. Première exposition temporaire depuis la réouverture du musée en octobre dernier, les commissaires Virginie Perdrisot et Cécile Godefroy s’attachent à nous faire découvrir des œuvres réunies pour la première fois à Paris. Plus de 240 pièces seront exposées permettant un dialogue entre les différents médiums pratiqués par l’artiste.
Dès la première salle, des photographies de la villa Californie à Cannes témoignent de l’importance de la sculpture dans le travail de l’artiste. Il est vrai que Picasso est davantage présenté comme un peintre, sa pratique en 3D étant souvent considérée comme secondaire. Pourtant elle est le lieu où s’exprime peut être le mieux sa pensée en mouvement. Prônant une autonomie de l’œuvre, intégrant le fragment, interrogeant la perception même, le peintre/sculpteur bâtissait ses recherches sur la forme en touchant la matière. Les formes humaines sont distordues, schématisées, caractérisées et trouvent certaines parties développées, exagérées, magnifiées quand d’autres s’attenuent, disparaissant presque.
Séries et variations
Si l’exposition nous donne à voir cet aspect de la création de Pablo Picasso, elle met également l’accent sur la multiplicité de l’artiste, sur sa propension à créer, à mouler, à détourner ses propres œuvres les insérant alors dans des séries, dans des variations fameuses. Entrepreneur aguerri, il décuple, vend, joue, module, que ce soit du point de vue de la mise en couleur (les sculptures de Picasso sont très souvent peintes) ou par le matériau employé.
On retrouve dans la matière le traitement de ses thématiques phares. Les femmes, ses muses, se retrouvent échelonnées au fil des salles, révélant son goût du corps, sa fascination séductrice (Tête de femme, Buste de Femme). Les objets du quotidien sont décortiqués (Le Verre d’absinthe, série réunie dans son entièreté pour la première fois en Europe). L’art primitif raisonne dans ses pièces en bois.
Hommages, influences, collaborations et inspirations
Le point est également mis sur les relations de l’artiste, sur celles qui lui ont permis de faire, celle qui lui ont permis d’explorer les hauteurs de la création. Le sculpteur catalan Julio González, spécialiste du fer, l'a notamment aidé à réaliser La Femme au jardin et La tête d’homme. Le fondeur Claude Valsuani lui a permis de mener à bien la série des Encyclopétiques. Les collectionneurs sont également mentionnés (Ambroise Vollard) et se retrouvent entre deux salles, les étoiles de son temps Brassaï et Apollinaire, ces êtres sans qui Picasso n’aurait pu briller.
Une exposition d’une richesse plus qu’appréciable - des œuvres venant des quatre coins du monde dont le MOMA et plusieurs collections privées prestigieuses- à laquelle on pourrait néanmoins reprocher son intellectualisation un peu trop profonde. Non pas que les propos soient compliqués à saisir, mais les œuvres s’inscrivent dans l’histoire précise de l’artiste et quelques rappels historiques clés n’auraient pas été de trop.
__Musée Picasso Paris 5 Rue de Thorigny, 75003 Paris Du 8 mars au 28 août 2016