Jusqu'au 27 juillet 2017, la galerie Charlot accueille la deuxième exposition personnelle d'Eduardo Kac. Concrétisation de plus de trente années de recherche, l'artiste brésilien s'est associé à la mission "Proxima" de l'agence spatiale européenne, pour permettre la première oeuvre artistique née dans l'espace.
Eduardo Kac (né en 1962) travaille les formes langagières. Il s'intéresse à la manière dont nous communiquons et comment s'établissent les relations entre les êtres. Voyant dans la technologie un nouveau moyen d'expression et de communion, il a usé, dès les années 1980, d'un Internet naissant et d'une ère du multimédia encore balbutiante. Il a ainsi créé des poèmes en hologrammes, des poèmes animés sur minitel, des poèmes 3D interactifs, des poèmes en hypertexte, des poèmes installations... Eduardo Kac a également observé le langage et la communication dans le règne animal. Il a hybridé des espèces, créant des êtres d'un autre genre : des lions-tigres, des ânes-zèbres, des chats sphinx... Modifiant les ADN, il a fait de la génétique une nouvelle écriture. Il a notamment créé un lapin fluorescent. Cette exploration d'une forme de communication plurielle, il l'a poussée jusqu'aux étoiles.
Eduardo Kac, Ground based Research, 2014
Création en orbite
Il y a dix ans, en 2007, Eduardo Kac publiait son manifeste "Poésie Spaciale". Il y explique qu'il souhaite explorer l’apesanteur comme médium d'écriture. Cela fait trente ans qu'il pense à l'espace, et qu'il y projette la création d'une œuvre. Lorsque Thomas Pasquet a été désigné pour traverser l'atmosphère, l'artiste lui a demandé s'il pouvait fabriquer quelque chose là-bas. Télescope intérieur est la première œuvre créée dans l'univers. Le protocole a été dessiné, répété par l'artiste et par l'astronaute. Il a été pensé pour ne pas être contraignant à fabriquer : du papier et des ciseaux. La technique est simple et pourtant, la production est porteuse de messages ambitieux.
Kac & Pesquet at the Astronaut Training Center, ESA, (European Space Agency), Cologne, 17 June 2016 - photo by Virgile Novarina
Une petite découpe pour l'homme, une grande œuvre pour l'humanité
Cette œuvre de papier symbolise l'être humain. On y retrouve les lettres du mot "moi" ou la représentation d'un individu naissant dont le cordon ombilical vient d'être coupé. Pensée dans son élément anti-gravitationnel, cette installation-sculpture n'a ni devant, ni derrière, ni endroit, ni envers. Elle est l'expression d'une humanité qui, plurielle et emprunte de son histoire, convoque une nouvelle ère : celle de l’anthropocène où tout est à (re)construire. Stephen Hawking affirmait, il y a peu, que l'homme devait coloniser l'espace s'il voulait survivre. Cette image métaphorique d'un être en papier surplombant la terre, un homme fragile qui détruit son habitat, Eduardo Kac la file. Il la file jusque dans ses œuvres tissées, accrochées aux murs de la galerie Charlot, qui reprennent les visuels des étapes de la mission "Proxima". Cette oeuvre témoigne aussi bien de l'impulsion toujours grandissante d'un désir d'extension (et de colonisation ?) que de l'immense pouvoir de la créativité humaine.
Eduardo Kac, Embroidery, 2016
L'art et les sciences se sont toujours entremêlés, et le Télescope Intérieur d'Eduardo Kac nous rappelle ces liens toujours prégnants. Un magnifique voyage qui, s'il a le mérite d'avoir une esthétique simple, invoque toute une batterie de réflexions passionnantes !
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Téléscope intérieur, Eduardo Kac, jusqu'au 27 juillet 2017 Galerie Charlot, 47 rue Charlot, 75003 Paris Entrée libre