C’est sans doute la révélation cinématographique de ce début de l’année. Wadjda, première production saoudienne réalisée par une femme, Haifa Al-Mansour, cartonne depuis sa sortie le 6 février. Plus de 400 000 spectateurs ont déjà vu ce film qui raconte à la perfection le quotidien des femmes à Riyad, où a été tourné le film. Ce premier long métrage est un choc. Un événement comme le furent les premières œuvres iraniennes d’Abbas Kiarostami, Jafar Panahi ou encore Mahsen Makhmalbaf.
L’Arabie Saoudite au microscope
Wadjda vit dans la banlieue de Riyad et appartient à un milieu modeste et conservateur mais porte un jean sous son abaya. Elle détone parmi ses petits camarades de classe, qui comme elle, n’ont pas des converses aux pieds et n’écoutent pas de la musique. Durant le film, on la suit dans sa vie de tous les jours, dans la salle de classe ou encore au bazar où elle y repère une bicyclette verte. Ce vélo serait l’occasion pour elle de faire la course avec son ami et voisin, Abdallah. Mais au royaume wahhabite, les vélos sont réservés aux garçons car c’est une menace pour la vertu des jeunes filles. Mais sa mère, enseignante, refuse de lui acheter. Wadja décide alors de se débrouiller toute seule pour acquérir ce vélo. Elle vend des bracelets confectionnés par ses soins et des cassettes en cachette. Mais son petit commerce prend fin, lorsque la directrice de l’école découvre ses manigances. Mais elle finit par trouver une nouvelle stratégie : participer au concours de récitation coranique, qui lui permettrait d’acquérir ce petit vélo, si elle le remportait.
Améliorer la condition des femmes
Le manque de liberté des femmes, toujours sous la tutelle des hommes, qu’ils soient époux ou chauffeur sans papier, puisque les femmes n’ont pas le droit de conduire en Arabie Saoudite. Le mariage forcé, pointé du doigt à travers une écolière de 12 ans qui se retrouve mariée et qui montre la photo de ses noces à ses petites camarades. La polygamie, représentée avec le père de Wadjda sur le point d’épouser une seconde femme pour enfin avoir un fils. Mais aussi le gros poids des traditions et la pression de la société qui transforment ceux qui sortent des rangs en parias ou fondamentalistes.
Mais le chemin à parcourir pour améliorer la condition des femmes en Arabie Saoudite, monarchie des plus rigides, est immense. La grande force de ce film est de soulever les problèmes un à un, avec un récit limpide à l’apparente simplicité.
Bien que Wadjda a obtenu les autorisations de tournage, sur le plateau ce fut autre chose. Lors d’une interview pour le monde, Haifa Al-Mansour confesse « j’ai dû diriger à distance, enfermée dans une camionnette. Dans les rues de Riyad, il aurait été mal perçu de voir une femme à la tête d’une équipe composée d’hommes ».
[youtube https://www.youtube.com/watch?v=1YpNAKCIWt8&w=560&h=315]
Marie Heckenbenner