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Voyages avec ma tante, le rire du melon au jupon

30 janvier 2016, par Untitled Magazine

Adaptation délurée et réussie du roman de Graham Greene, Voyages avec ma tante revient au théâtre de la Pépinière pour une jouissive reprise de 60 exceptionnelles, rien que pour vos beaux yeux et vos grands sourires. Au centre de l'intrigue, Henry Pulling, vieux garçon à la retraite et amateur passioné de dalhias. La mort de sa mère bouleverse son quotidien tranquille, et la cérémonie d'enterrement devient l'occasion rêvée pour sa tante Augusta de faire une apparition fracassante dans sa vie : A 70 ans, elle accumule les extravagances et, personnage volage, finit par entraîner son neveu dans un tourbillon d'aventures plus loufoques les unes que les autres.

© François Berthier © François Berthier

Le décor en place est étonnant de simplicité : carré bleu au sol, affiche de wagon à l'anglaise au mur, wagon dont les fenêtres illustrent des photos de paysages projetés, quatre chaises en bois. Et quatre hommes, chacun doté d'un seul et unique costume. Pas d'accessoires, pas de fantaisie. Ca commence à devenir intéressant, le spectateur se demande ce qu'on va bien pouvoir faire de si peu et Nicolas Briançon profite de ce désarçonnement pour déployer toute la profondeur et l'excentricité de sa mise en scène : Quatre acteurs (Claude Aufaure, Jean-Paul Bordes, Dominique Daguier et Pierre-Alain Leleu) pour plus de vingt rôles différents, jeune fille en fleur et agent secret américain, perroquet oublié et trafiquant d'art italien, vieille anglaise lubrique et agents de police impolis... C'est de la folie, ça part dans tous les sens, ça hurle, ça rit, ça caquette, ça aboie, ça caresse, ça languit. On a l'impression que la scène elle-même devient vivante, mue par de rapides et étonnantes successions scéniques.

© François Berthier © François Berthier

On passe de Pierre-Alain Leleu qui interprète successivement un perroquet sur son perchoir, un chien guilleret et une horloge décorative, aux utilisations fantasques de matériel (chapeau melon qui devient volant, vent recréé à partir d'une sorte de rouleau à manivelle) : tous les effets, sonores et visuels, sont assurés par des acteurs chez lesquels on devine parfois, malgré toute l'ardeur qu'ils mettent à la tâche, des rictus hilares face au grotesque de la situation représentée. Ce joyeux tintamarre et ces nombreux travestissements se doublent de dialogues aux pointes british, prétextes à la critique d'une société défaillante, (« Je ne reconnais pas ma gauche et ma droite. Babord, je connais. Babord ? Bobard ? La gauche ! ») de rapports sociaux viciés (« Comment allez-vous ? » « Comment allez-vous ? » « Comment allez-vous ? ») et du regard jugeant, voire excluant porté sur les individus (comme Henry) toujours en quête de leur identité (« Tu es si vague »). La scène nous parle aussi de la peur de l'avenir, du conservatisme sociétal...

© Claude Aufure (Tante Augusta et Henry) par François Berthier © Claude Aufaure (Tante Augusta et Henry) par François Berthier

Pourtant, la pièce n'est jamais grave. Si la mise en scène ne provoque pas non plus des éclats de rire, elle a le mérite de faire grandement sourire par son intelligence et par la multiplicité des procédés scéniques dont elle fait l'étalage. On aime se perdre dans l'humour et la fantaisie de cette pièce haute en couleur, et surtout, oh oui surtout, on se régale de voir Claude Aufaure jongler avec une élégance burlesque entre le chapeau melon et le déhanché chaloupé.

Voyages avec ma tante, une adaptation de Nicolas Briançon A partir du 22 janvier 2016 pour 60 exceptionnelles Du mardi au samedi à 21h et le samedi à 16h Au théâtre de la Pépinière




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