UNTITLED MAGAZINE
Jusqu'au 22 mai, l'espace Khiasma invite Vincent Chevillon à partager son expérience du voyage, sa réflexion sur la colonisation des terres et celle sur la trace laissée par tous les hommes.
Khiasma est l’un de ces centres d'art peu connu. Perdu au fin fond du 20eme arrondissement, entre un pavillon aux fenêtres colorées et une tour haute de mille étages, on peine à croire que Paris est juste là. Pourtant, c'est proche de la Mairie des Lilas que l’on découvre un peu plus, à chaque fois que l’on se lance dans l'expédition, l'un des plus précieux centre d'art de la capitale. L'équipe est adorable, habitée par une réelle passion, à l'écoute, heureuse de présenter les artistes et les projets qu'elle promeut. Un véritable bonheur. La porte une fois poussée, on entre dans un havre où l'art contemporain est roi, où il est accessible et simple, où il est puissant et fort, sans être présomptueux. Loin de la froideur, pas si détestable, des white cubes huppés des grandes galeries, Khiasma nous tend la main, un sourire bienveillant aux lèvres.
Un art libre, voyageur et proche de la mer
C'est l'œuvre de Vincent Chevillon que l'association a décidé de présenter. Artiste chercheur, artiste collectionneur, il prône la liberté, la découverte. Scénographe le temps d’une exposition, il a choisi l’emplacement de ses œuvres laissant la parole à ceux qui regardent. La première pièce, plongée dans la pénombre, s’apparente à une réserve. Lieux mystérieux, regorgeant de trésors. Les étagères laissent à peine entrevoir les caisses en fer aux lourdes attaches, empilées les unes sur les autres. On décrypte des œuvres étranges, des cordes, des sculptures en bois, des cerceaux en fer… Un masque en cire moulée surplombe cette accumulation. Un masque noir aux influences africaines dénotant un curieux paradoxe, comme gravé par une marque coloniale.
Observer la trace de l'explorateur
Le monde de la mer, le monde des grandes découvertes et l’influence des traces laissées par les passages, quels qu’ils soient, croquent le nerf des recherches artistiques de Vincent Chevillon. Loup de mer, il traque les mythologies pour nourrir son inspiration. Dans une boîte translucide, une page de la bible est pressée par un caillou. Ce caillou, c’est le dernier que l’artiste a ramassé. Il a pour habitude de prendre une pierre, d’entamer son voyage, puis de la poser à un endroit, endroit où il reprend une pierre, pierre qu’il déposera à nouveau. Mécanisme qu’il continue ponctuellement tout au long de ses découvertes, Vincent Chevillon laisse ainsi sa trace dans les paysages qui le touchent et emporte avec lui, un temps, un fragment de ce qui le fascine. Une page est serrer en dessous de cette trace. Elle relate l’histoire de Caïn et d’Abdel. Fils ainé d’Adam et d’Eve, Caïn est paysan. Son grand frère, Abel, est berger. Un jour d’offrande, Dieu préféra accepter celle d’Abel (les premiers nés de son troupeau) à celle de Caïn (les fruits de sa récolte). Ivre de rage, jaloux, Caïn souilla sa terre du sang de son frère et devint le premier meurtrier de l’humanité. Niant ses actes auprès de Dieu, celui-ci le maudit et le condamne à l’errance. Cette errance, symbole de perte, rappelle la pierre, et signifie la terre souillée. Elle symbolise la trace, la trace que marquent nos actes sur notre monde.
Les œuvres de Vincent Chevillon sont riches de sens et soulèvent des questionnements profonds dont les liens se croisent et s’emmêlent. Sa dernière œuvre interactive en fait foi. Archipels.org est un site internet construit comme un atlas où images, textes et études s’entrelacent. A la manière d’un Aby Warburg moderne il tisse des liens, jette des ponts et joue avec cette mémoire vive et collective.
Artiste du mouvement, collectionneur d’impression, amoureux de la mer, Vincent Chevillon nous embarque dans un monde singulier et offre en partage, avec son exposition SEMES, un morceau onirique de vie.
__SEMES, jusqu'au 22 mai 2016 Khiasma, 15 rue Chassagnolle, 93260 Les Lilas
