UNTITLED MAGAZINE
Vous le voyez votre trajet en train à siroter un café en regardant vaguement par la fenêtre, le regard morne, sans avoir ni envie de lire, ni envie de dormir, ni envie d’entendre les hurlements de l’enfant qui tape dans votre siège, mais juste envie que le conducteur vous annonce votre arrivée prochaine. Seul(e) ou accompagné(e), le trajet de train peut être un passage à vide. Alors pourquoi ne pas le remplir ? Dans cette optique, la SNCF s’est associée à Barter Paris (club d’amateurs d’art) et la galerie Brugier Rigail pour organiser un événement unique au sein du trajet Paris/Marseille qui quittait la capitale à 8h35 et du retour au départ de 13h à Marseille ce vendredi 25 mars. Ce qui va vous être narré est donc révolu, fini, out, expiré, over. Mais rassurez-vous, au train où vont les choses, la SNCF réserve quelques autres événements du même type dans les mois à venir. Avec 450 trains lancés sur les rails chaque jour et un seul gagnant, il faut surtout avoir la chance de se mettre dans le bon train pour changer de train-train.
Ce jour-là, la performance est réalisée par le street artist Taling durant le trajet. L’œuvre est conçue sur une des parois de la voiture bar du TGV, livrée aux regards ébahis des passagers. Une zone est réservée aux amateurs d’expression artistique, laissant la liberté à chacun (mais en réalité surtout aux enfants) de gribouiller à son tour. Taling armé de ses feutres, de sa patience et de son sourire un peu fatigué ne bronche pas. Les passagers s’accumulent pourtant bien vite et l’artiste s’évertue à réaliser son œuvre à coup de contorsions. Si vous vouliez manger un bout ou boire un café au calme, passez votre chemin, l’expérience est victime de son succès : la voiture bar est bondée.
« Excusez-moi, je peux vous demander de vous déplacer parce qu’il faut que je travaille »
Taling se faufile, toujours la sympathie affichée sur son regard. Malgré l’aspect oppressant, il s’étire entre deux acrobaties dorsales tandis que l’œuvre prend forme. Il est fier de décloisonner les formes artistiques, de les sortir des galeries traditionnelles pour aller se nicher dans un lieu à contre-courant des traditionnels espaces dédiés à l’art. Il a raison, car le résultat est assez plaisant, autant son œuvre finale que celle créée par les passagers dessinateurs d’un jour. L’opération financée par la SNCF avait pour objectif de faire de la voiture bar du TGV un espace convivial, et l’expérience est réussie. Il y a bien sûr un côté coup de comm’ bien huilé avec présentation d’un menu hors de prix dont on célèbre avec un peu trop d’euphorie l’arrivée (avec des gâteaux Michel et Augustin au prix d’un demi-SMIC). L’évènement incite les passagers à se rendre à plusieurs reprises dans la voiture bar (et pourquoi pas reprendre un café de 2 cl à 2.5 € ?), mais au-delà de cette apparente hospitalité, on ne doute pas que l’objectif soit avant tout un moyen de s’agglutiner un peu plus devant cette carte dont seuls les prix reflètent un service de chef étoilé. Les opérations à venir pourront être tout à fait différentes, animation d’un débat ou cours de fabrication de mousse au chocolat, les surprises sont à prévoir. On ne va pas remettre en question l’initiative sympathique de la SNCF, mais n’en doutez pas, elle ne vous fera pas davantage avaler la pilule du prix des billets.
© Louise Pierga.
© Louise Pierga.
© Louise Pierga.
© Louise Pierga.
© Louise Pierga.
© Louise Pierga.
© Louise Pierga.
© Louise Pierga.
