La Fondation Henri Cartier Bresson reprend, pour cette exposition consacré au photographe italien Ugo Mulas, le nom et la trame de son dernier livre, La Photographie. Les clichés présentés ici ont été choisis par le photographe lui-même et son extraient de son dernier ouvrage. Le parallèle est alors double : la présentation d’un travail appuyé par les images mais également une réflexion profonde sur le médium emprunté. Baigné dans l’atmosphère intellectuellement foisonnante des années 60, l’artiste portera, à l’aube de sa mort, son œuvre à des hauteurs philosophiques et interrogera l’essence même de la photographie. Mais n’allons pas trop vite.
Salle de Michelangelo Pistoletto, exposition « Vitalità del negativo », Rome, 1970 © Estate Ugo Mulas, Milano - Courtesy Galleria Lia Rumma, Milano / Napoli
Un parcours au coeur de l'art
Ugo Mulas (1928-1973) est méconnu du public français (il n’a même pas sa page Wikipédia, c’est dire !). Photographe italien donc, il a étudié le droit à Milan, avant de se jeter dans l’épreuve de l’argentique. A cette époque, le Bar Jamaica (l’équivalent de notre Café Flore à l’italienne) regorge de têtes pensantes et d’artistes en devenir. Mulas est captivé. Il commence à immortaliser la ville puis se spécialise dans la photographie d’art. Il publie un premier reportage à la Biennale de Venise, expérience qui le mènera à devenir le photographe attitré de la Biennale pendant presque vingt ans.
Andy Warhol, Philip Fagan et Gerard Malanga, New York, 1964 © Estate Ugo Mulas, Milano - Courtesy Galleria Lia Rumma, Milano / Napoli
L'artiste magnifié
Ugo Mulas a capturé le monde artistique de son temps, interrogeant davantage les artistes que leurs œuvres. Cette exposition personnelle nous rapproche de ces figures connues que sont Georges Segal, Fontana, Alexander Calder, Andy Warhol, Noland, Giacometti et bien d’autres. Ses photographies captent les gestes presque imperceptibles d’amitiés, de complicité entre les artistes et le photographe. Un Marcel Duchamp au regard franc, un Giacometti au sourire las, un Fontana la pointe du cutteur prêt à trancher la toile… Des images délicates où toute l’humanité, toute la sensibilité des artistes transparaît. Ugo Mula l’affirmera dans La Photographie, son but est d’ « expérimenter à travers la photographie ce qu’[il a] compris ou perçu ».
Jasper Johns dans son atelier, New York, 1964 © Estate Ugo Mulas, Milano - Courtesy Galleria Lia Rumma, Milano / Napoli
Philosophie photographique
Mais sa pratique ne se cantonne pas à la production d’images. Sa dernière série, les Vérifications (Verifiche) se veut plus profonde et s’attaque au versant réfléchi de la photographie. Qu’est-ce que la photographie ? Comment l’homme a-t-il pu détacher la technique du geste pour la mettre dans un appareil ? Il s’interroge sur les matériaux, sur l’acte de création et pose, par une réflexion menée à la première personne, le doigt sur la frontière entre la photographie et l’art, entre l’art et l’homme.
Une exposition classique et didactique qui ouvre à la réflexion.
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Ugo Mulas, La Photographie, du 15 janvier au 24 avril 2016 Fondation Henri Cartier-Bresson, 2, Impasse Lebouis, 75014 Paris