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Tarantino : The Hateful Eight, un destin interrompu

23 janvier 2014, par Untitled Magazine

quentin-tarantino-sukiyaki-western-djangoQT est furax. Il y a tout juste quelques jours, il révélait avec un certain plaisir quelques détails significatifs - scénario bouclé, titre dévoilé, acteurs impliqués - quant à la nature de son 9e film. Sauf que Tarantino ne l’avait pas vu venir. Après avoir confié le scénario de ce film à exactement 6 personnes, dont 3 acteurs (Tim Roth, Michael Madsen, Bruce Dern), le réalisateur n’a pu que constater la diffusion de son script dans le tout Hollywood. De quoi rendre dingue le cinéaste, qui annonçait hier à Deadline l’annulation du projet. L’occasion de s’amuser à un décryptage des indices de The Hateful Eight dévoilés par Tarantino, et d’imaginer à quoi aurait pu ressembler ce défunt prématuré.

Autant le dire tout de suite, il y avait de grandes chances d’y retrouver les artifices traditionnels du cinéma tarantinesque. Soit la combinaison d’un passé conscient et d’une culture contemporaine, par le biais d’une stylisation qui l’a érigé en emblème de la génération X. Qu’il nous plonge dans la douleur du peuple oppressé (les juifs dans Inglourious Basterds, les afro-américains dans Django Unchained), dans un récit de vengeance (Kill Bill, Boulevard de la mort, Inglourious Basterds, Django Unchained), ou au sein d’une formation prête à tout pour arriver à ses fins (Reservoir Dogs), le titre laissait augurer un vent de violence et un enchainement de séquences jubilatoires. On savait depuis plusieurs mois que Tarantino rééditerait l’expérience du western. Pas de suite à Django Unchained, mais une nouvelle immersion dans un des genres de prédilection du cinéaste le plus transgressif de sa génération. Il n’est d’ailleurs pas étonnant de voir Tarantino s’épanouir dans le western, après avoir expérimenté les genres cinématographiques qui ont fait de lui l’encyclopédie qu’il est aujourd’hui. Le film de gangster par l’intermédiaire de Reservoir Dogs, la culture populaire et l’hommage aux pulp magazines dans Pulp Fiction, la blackxploitation des années 1970 avec Jackie Brown, la vénération du cinéma d’arts martiaux par le biais des deux volets de Kill Bill, ou encore le culte de la série B avec le double programme Grindhouse comprenant Boulevard de la mort.

18759771.jpg-r_640_600-b_1_D6D6D6-f_jpg-q_x-xxyxx Tarantino sur le tournage de Boulevard de la mort

Rien ne se perd, rien ne se créé, tout se transforme

The Hateful Eight ou «Les Huit Odieux», pour se risquer à une traduction littérale, permettait d’envisager un rapport aux influences cinéphiliques du cinéaste. Qui dit western, dit inévitablement Les Sept Mercenaires de John Sturges, adapté de l’oeuvre d’Akira Kurosawa, Les Sept Samouraïs. Si le raccourci semble précipité, on peut toutefois soulever la similitude entre l’oeuvre de Sturges, et le désir de réappropriation du western aperçu chez Tarantino dans Django Unchained (et déjà Inglourious Basterds). Sorti en 1961, Les Sept Mercenaires incarne une rupture avec le western dit classique. Sturges s’adjuge les codes du genre, mais rompt avec l’archétype du héros patriotique américain, pour donner les clefs de l’intrigue à une bande de mercenaires avides sans foi ni loi. Cette cassure avec le classicisme caractérise une facette du cinéma de Tarantino, et son appréciation du western moderne. Le Dr. King Schultz, chasseur de prime interprété par Christoph Waltz dans Django Unchained en est l'allégorie. Depuis son âge d’or, le western représente dans la culture américaine, le genre auquel les Américains s’identifient le plus. La conquête du territoire, la défense des terres et des valeurs, le chemin vers la gloire. Passer au western peut être une manière pour lui d’élever son nom au panthéon des cinéastes dont les oeuvres s’inscriront dans l’intemporalité. Et de se ranger aux côtés des Sergio Leone ou Howard Hawks, icônes du père de Pulp Fiction.

Rio-Bravo Rio Bravo (1959) de Howard Hawks

Dans le projet avorté de The Hateful Eight, Christoph Waltz devait se voir confier par son auteur un nouveau rôle sur mesure. Une complicité qui n’étonne plus, tant le phrasé de l’un prend vie dans l’élocution de l’autre. 2 collaborations, et un véritable tremplin pour l’allemand, qui a raflé les récompenses internationales majeures de meilleur second rôle pour Inglourious Basterds et Django Unchained. Waltz s’est tout simplement invité dans le premier cercle de Tarantino, aux côtés de Samuel L. Jackson, Tim Roth, Michael Madsen, ou encore Uma Thurman. Deuxième nom avancé, celui de Bruce Dern. Admiratif de l’acteur de 77 ans, le réalisateur lui avait confié une apparition dans Django Unchained. Pour ce futur western, il se laissait dire que Tarantino lui attribuerait un rôle d’envergure. Avec des rôles chez Hitchcock, Kirk Douglas, Chabrol ou Coppola, Bruce Dern n’en est pas moins cantonné depuis longtemps à des rôles d’ordures ou de personnages tordus. Une tendance, outre-Atlantique, qui n’est pas étrangère à la légende qui le suit depuis 1972, et le film The Cowboys, où il devint le seul acteur de l’histoire du cinéma à avoir tué John Wayne. Son intégration au projet s’inscrivait dans la continuité du travail de Tarantino depuis de nombreuses années : faire revivre sous son joug les gloires de son héritage cinématographique. Non sans une certaine minutie, tant le cinéaste jouit de l’utilisation de ces acteurs sous des formes d’hommages aux grands rôles qui ont fait leur renommée. On se souvient de Sonny Chiba, interprète du charismatique Hattori Hanzo dans le premier volet de Kill Bill. Le choix de l’acteur pour ce personnage est un clin d’oeil au célèbre ninja japonais, incarné par Chiba dans une série nippone de 1980. On pense également à Franco Nero, le Django du film éponyme de Sergio Corbucci de 1966. Présent dans le western de Tarantino, Nero partageait une scène étiquetée ‘Devoir de mémoire’ aux côtés d’un Jamie Django Foxx ancré dans son temps.

django_jamie_foxxd Le Django de Corbucci s'invite dans celui de Tarantino

Pour les curieux, QT soupçonne les agents de Bruce Dern d’avoir librement fait tourner des copies du script. Et pour les intéressés, le scénario devrait bientôt être publié.




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