« Je ne suis pas infâme, je suis une femme »
Quand Godard décide de réaliser une comédie, il ne fait évidemment rien comme les autres. Le réalisateur expérimente, réinvente le langage cinématographique, s'empare des codes du genre pour mieux s'en amuser. Véritable ovni dans la filmographie d'un des cinéastes de la Nouvelle Vague, jamais un personnage hystérique et capricieux comme celui de Angela, incarnée par la divine Anna Karina, n'aura été aussi adorable. Celle-ci, compagne et muse du cinéaste entre 1960 et 1967, obtient ici son premier grand rôle qui lui vaudra d'être récompensée au Festival international du film de Berlin en tant que meilleure actrice.
Une femme est une femme est un joli voyage dans le Paris d'antan. Une ville au charme rétro où l'on séduit, se cultive, fume des cigarettes, va dans des bars, le tout dans un milieu peuplé et populaire. Pas si différent du Paris d'aujourd'hui mais avec ce petit « quelque chose » indéfinissable qui faisant la beauté d'une époque révolue.
Une femme est une femme c'est l'histoire de Angela, jeune Parisienne travaillant dans une boite de strip-tease et désirant avoir un enfant avec son compagnon, Émile (Jean-Claude Brialy), qui n'est pas du tout du même avis. Ce désaccord va donner à l'écran un nombre incalculable de scènes savoureuses et légères.
On se dispute en faisant du vélo dans l’appartement, on se tire dans les pattes à l'aide des titres de livres, on se rend jaloux mutuellement en utilisant Alfred (Jean-Paul Belmondo). Godard s'amuse à noyer tous ces échanges avec une musique qui prend le pas sur les voix, créant un énorme brouhaha ambiant dans lequel évoluent les personnages jusqu'à en devenir sourd, ne plus savoir quoi penser. Malgré ces disputes l'amour que ce triangle se porte crève l'écran, nous transporte à leurs côtés. Ces relations si particulières que chacun d'eux entretiennent tout le long du film, ces flirts et questionnements que Aznavour nous chante lors d'une scène avec son morceau « tu t'laisses aller ».
Emile va-t-il céder et faire un enfant à Angela ?
Angela va-t-elle réussir ou abandonner son projet ?
Alfred va-t-il réussir à charmer Angela ?
De ces interrogations nait un récit bon enfant, plein d'esprit dans lequel les personnages n'hésitent pas à briser le quatrième mur et nous adresser un sourire, un regard : tout ceci n'est qu'un immense spectacle auquel vous, spectateurs, êtes en train d'assister semblent-ils nous dire.
Le comique est atypique, à l'image de son réalisateur Jean-Luc Godard. Impossible de rester insensible face à cette comédie colorée au montage tellement ludique. On serait tenté de penser que Une femme est une femme est prétentieux (la critique la plus courante à propos du cinéma de Godard) mais sa forme si particulière en fait au contraire une œuvre accessible.
Trop en dire serait gâcher le plaisir du futur spectateur puisque cette critique a pour but de faire découvrir ce film culte. Ces 84 minutes de bonheur trouvables dans la collection Les Cahiers du Cinéma. Jean-Luc Godard s'empare de la comédie, ne fait rien comme les autres, s'entoure d'un beau casting à la fois charismatique, talentueux et le fait évoluer dans un Paris qui fait rêver. L'occasion pour lui de nous offrir les prémices de la future alchimie qui partageront encore une fois Anna Karina et Jean-Luc Belmondo quatre ans plus tard dans le magnifique Pierrot le fou, offrant au septième art l'un des plus beaux duos de son histoire.