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[Retour sur ...] La valse aux adieux de Milan Kundera

23 mars 2016, par Untitled Magazine

Ruzena, jeune infirmière d’une ville d’eaux, tombe enceinte après une folle nuit de passion avec Klima, un homme marié, trompettiste de renom. Après deux mois sans nouvelles de lui, elle décide de le lui annoncer au téléphone. Le monde de Klima s’écroule. Il prend donc la situation en main et se rend dans la ville d’eaux, avec dans l’idée de convaincre la jeune infirmière d’avorter. Et de ce voyage découle la suite de l’histoire.

La ville d’eaux est comme un microcosme contenant des personnages que l’on pourrait voir comme des incarnations des pensées et passions humaines. Cependant, la morale semble en être totalement absente. Ruzena veut garder l’enfant, non pas parce que ce serait immoral d’avorter, mais plutôt parce que, pour la première fois de sa vie, elle a l’impression d’avoir du pouvoir. Klima cherche à tout prix à conjurer cette épée de Damoclès qu’il a lui-même créé à force d’aventures extra-conjugales, dont il ne veut pas que sa femme, à qui il voue un culte paradoxal, prenne connaissance. Le docteur Skreta, un riche gynécologue, a trouvé une solution miraculeuse à la stérilité des couples qui le consultent : il insémine son propre sperme à ses patientes, ayant découvert que dans une grande partie des cas, c’est l’homme qui est stérile. Les villes avoisinantes fourmillent ainsi de petits Skreta, reconnaissables à leur grand nez, à leurs lunettes à verre épais et autres caractéristiques. Jakub, ancien prisonnier aux idées subversives, a enfin réussi à obtenir l’autorisation de quitter le pays, mais retarde toujours plus son départ. Olga, la pupille de Jakub, voit dans le rapport sexuel avec ce père adoptif son rite de passage vers l’âge adulte, qui lui offrirait un nouveau départ. Et enfin, Bertlef, cet Américain, pensionnaire de longue date de la ville d’eaux, qui semble être, de prime abord, le seul personnage à peu près sain du récit, se révèle l’être le plus paradoxal : religieux dévoué, heureux en ménage, amateur d’art, il se noie dans des relations passionnelles et charnelles avec un nombre inouï de femmes.

Mais Bertlef est la clé du récit, il est celui qui pousse les autres personnages à réfléchir, et finalement celui qui les réunit tous. Il est l’initiateur de nombreux débats que l’on pourrait qualifier de philosophiques bien qu’ils prennent l’apparence d’une philosophie de comptoir où chacun y dit la sienne. Au fil du récit, le lecteur assiste à des discussions sur les problèmes les plus existentiels de la vie, traités avec une légèreté déconcertante, style caractéristique de Kundera.

Derrière ces personnages et ces discussions animées, le lecteur aperçoit une critique de la Tchécoslovaquie communiste. En effet, bien que ne soit citée Prague que très tard dans le livre, l’inanité du régime soviétique nous apparaît très tôt, à travers mots d’ordres arbitraires ou pratiques tournées en dérision par l’auteur. Chaque personnage se trouve doté d’une puissance subversive qui peine pourtant à se concrétiser, mais surtout, à être pensée comme telle par les personnages eux-mêmes.

Kundera, avec sa simplicité d’écriture qui cache un sens beaucoup plus profond, nous fait relativiser toutes les fausses questions existentielles qui nous assaillent constamment. Ses personnages sont à la fois simples à cerner et d’une complexité désarmante, ne maîtrisant pas complètement leurs actions. Une noirceur dérangeante émane du livre, la mort semblant sans cesse proche, dans un récit dont le rythme s’accélère peu à peu. La valse aux adieux pourrait donc être la métaphore d’une vie dans laquelle on est entraînés, suivant les pas prédéfinis d’une danse hautement codifiée, qui nous mènera inexorablement vers des adieux, à comprendre comme une séparation; ou tout bonnement comme la mort.

La valse aux adieux, Milan Kundera, Gallimard, 353 pages, 8.20 €

Milan-Kundera-La-valse-aux-adoeux




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