La galerie Prenez le métro. Descendez station Pont Neuf, ou Odéon. Empruntez la rue Guénégaud et au 17, arrêtez-vous et entrez. Vous êtes à la galerie Da-End, dans ce qu’on pourrait qualifier de must parmi les nombreux lieux d’art de Saint-Germain-des-Prés. Sobre, chic, tout en finesse, l’aménagement de l’endroit pour un projet collaboratif entre divers artistes japonais a justement tout de japonisant et colle parfaitement au thème. Les murs sombres, la lumière dirigée directement vers chacune des œuvres, mais aussi l’éclairage du lieu, par des couleurs chaudes et tamisées, rend chaque photo, chaque matière, chaque objet encore plus beau. Il ne faut pas hésiter à pénétrer l’endroit, à s’approcher de chaque mur et de chaque recoin. L’endroit est petit et en vous dirigeant par ci par là vous tomberez sur les résultats étranges, somptueux, de jours et de jours d’ébullition de matière grise, même si en ce moment, c’est la matière noire qui est à l’honneur.
Ankoku – Matières noiresDes fluides, de la matière, des rayons de lumière qui filtrent à travers les trous d’une main (Milky Ways - Hands 01, par Mihoko ogaki), se jettent sur le mur noir qui l’entourent, comme des étoiles dans l’espace… Voilà le genre de curiosités, si diverses et tellement fascinantes présentées durant ces deux mois mi automne-mi hiver. A la vue de ces photographies interstellaires, de ces objets qui se meuvent comme sortis d’un futur proche, l’amateur d’art se transforme en scientifique, en astrophysicien, en étudiant en chimie. Il faut prendre son temps, stopper son élan et se laisser embarquer, car Ankoku – Matières noires est une exposition qui laisse bouche bée, prenante et surprenante.
Petit aperçu des quelques œuvres et artistes présents. Planet No.2 - Garden
Oeuvre cinétique. Ferrofluides, liquide transparent, verre, bois, contrôleur de champs magnétique, 2014.Sachiko Kodama
C’est probablement l’œuvre la plus fascinante. Le ferrofluide est une substance créée par la Nasa dans les années 60. Les nanoparticules de fer présentes dans la substance liquide, d’un noir pur, sont attirées par les champs magnétiques.
Dans cette boule de verre, le liquide est tiré, comme absorbé vers le bas, puis se tord, rebondit, et reprend sa place originelle. Comme dans une planète, il prend la forme tantôt d’une « montagne », tantôt de « fleurs », mais laisse en tout cas l’observateur totalement captivé.
Embryo, 2008
Minsa You
On se demande devant cette photographie : mais qu’est ce que c’est ? Une machine à IRM, un labo à analyses ? Non. Un accélérateur de particules… Après autorisation spéciale d’accès au centre de recherche nucléaire KEK, situé à Tsukaba, au nord de Tokyo, l’artiste a shooté au fisheye l’impressionnante machine. C’est le top de l’intelligence humaine, pour servir à travailler sur la matière.
Mitsuru Tateishi
A priori, c’est une grosse huître plus belle que ses congénères… Pourtant, cette peinture subtile représente à la fois l’espace, la mer, les rêves. Lorsqu’on s’approche, c’est un monde entier qui s’offre à nous. Entre les couleurs brunes, noires, jaunes, préférées par l’artiste, s’entremêlent l’écume des vagues, les nuées d’un ciel gris orageux. Voilà à quoi mènent les flâneries du promeneur solitaire. Un entrelacs diffus et non organisé de pensées, images plus ou moins concrètes. Là encore la matière absorbe, organique, vivante. La peinture est immense, assez pour se laisser aller à plusieurs minutes de douce contemplation…