Jusqu’au 28 mai 2017, le Musée d’art et d’histoire du Judaïsme propose de faire découvrir ou redécouvrir le roman d’Albert Cohen «Ô vous, frères humains » à travers les 130 planches originales tirées de son adaptation graphique par Luz.
La douleur et la colère face à la haine d’autrui sont les deux sentiments qui ont amené Luz (1972) à mettre en images le récrit autobiographique d’Albert Cohen (1895-1981) écrit en 1972. Il ressort tant de l’œuvre originale que de son adaptation, une même aspiration à la fraternité universelle.
Luz, Ô vous, frère humains © Luz/Futuropolis
Le 7 janvier 2015, Luz échappe de peu à l’attaque qui frappe le journal pour lequel il travaille alors, Charlie Hebdo. Le dessinateur ne veut pas tomber dans la haine, celle là même qui a ôté la vie à ses amis et collègues. Il se tourne alors spontanément vers Ô vous, frères humains, manifeste humaniste qu’il décide de mettre en images. Récit autobiographique qu’Albert Cohen a écrit alors qu’il avait 77 ans. Il relate d’un épisode traumatisant vécu durant l’enfance. En 1905, le jour de ses 10 ans, il est l’objet d’insultes antisémites en pleine rue à Marseille. Par ce texte, l’écrivain livre aux lecteurs les sentiments tortueux d’injustice et de désespoir qui l’avaient bouleversé enfant et n’avait alors cessé de le hanter.
Luz, Ô vous, frère humains © Luz/Futuropolis
Trouver une solution face à la haine
Cette exposition propose une autre lecture, pas moins saisissante, de ce manifeste humaniste. Le propos d’Albert Cohen est dépeint avec justesse ; Luz se l’approprie en entrant profondément en résonance avec lui. Son roman graphique peut ainsi faire l’objet d’une double lecture. Le visiteur comprend qu’il s’agit du récit déchirant d’une personne confrontée à la haine : Luz, Albert Cohen, l’un à travers l’autre.
L’utilisation de la bande dessinée renforce l’aspect universel et fédérateur de ce récit. Luz parvient ainsi à décortiquer le conflit intérieur du petit Albert Cohen grâce à des métaphores graphiques, rendant ainsi cet épisode lisible de tous.
Luz, Ô vous, frère humains © Luz/Futuropolis
Une ode universelle à l’humanisme
La scénographie épurée permet au spectateur de suivre les planches selon l’ordre du récit, en continu, à travers trois salles. Des documents d’archives d’Albert Cohen et des carnets de Luz viennent renforcer le lien spirituel entre les deux hommes. Le spectateur est seul face aux dessins, rarement accompagnés de cartels, ce qui permet de garder intact l’impact du traumatisme raconté.
La présence en milieu d’exposition du texte originel d’Albert Cohen vient toutefois contrarier ce parti pris. Le récit graphique poignant de Luz se serait peut-être suffi à lui-même, seul dans cet espace.
Malgré le caractère concis de cette exposition, c'est une véritable ode intemporelle à la fraternité. En rappelant à quel point la tolérance est, de tout temps, une valeur on ne peut plus précieuse et fragile, elle mérite d’être vue par tous les publics, enfants, adultes, familiers des musées ou non.
Luz, Ô vous, frère humains © Luz/Futuropolis
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Musée d’art et d’histoire du Judaïsme
Hôtel de Saint-Aignan
71, rue du Temple 75003 Paris
Entrée libre