Comme tous les ans, le Festival du Film Allemand est revenu investir la salle de l'Arlequin du 5 au 11 octobre 2016. Retour sur un festival riche en émotions et en découvertes.
Ouverture / Paula, réalisé par Christian Schwochow
Worpswede, 1900, au nord de l’Allemagne. Dès leur rencontre, Paula Becker et Otto Modersohn sentent que quelque chose les lie. Leur passion pour la peinture se transforme en amour, mais la vie qu’ils mènent après leur mariage est bien loin des conventions de l’époque. C’est une relation faite de couleurs vives et de traits épais, exactement comme la peinture de cette femme qui sait saisir la vie. Contre tous, elle va se rendre à Paris pour donner vie à sa vision de l’art.
A l'image de Paula Mendersohn-Becker dont il retrace l'histoire artistique et amoureuse, le film se révèle sensuel et pétillant. Si Schwochow avoue qu'il aurait voulu être peintre, c'est le cinéma qu'il a choisi. Pourtant, son film garde indéniablement quelque chose de pictural et il retranscrit avec douceur ou violence les sons, les couleurs, les odeurs de ce début de siècle où il est difficile de se frayer une place en tant qu'artiste et plus encore, en tant que femme. Si le film ne propose rien de novateur - excepté le sujet, puisque que c'est le premier biopoc sur l'artiste -, il reste agréable et esthétique et nous fait voyager, entre un Paris bohème et une Allemagne encore conservatrice, dans un bouillon artistique haut en couleurs.
© Pandora Films
Tschick, réalisé par Fatih Akins
Inspiré du roman de Wolfgang Hernndorf, Tschick raconte le périple de deux adolescents à travers la campagne berlinoise, à bord d'une voiture volée. Tout en conservant l'univers pop, juvénile et touchant du roman, Fatih Akins parvient à se l'approprier pour en faire un road-movie débordant d'humour et criant de vérité. Mention spéciale pour la bande-son, particulièrement bien choisie.
© Studiocanal GmbH / Mathias Bothor
Wild, réalisé par Nicolette Krebitz
Une jeune anarchiste brise le contrat tacite qui la relie à la civilisation et décide courageusement d'une vie sans hypocrisie ni filet de sécurité.
La réalisatrice nous prévient "C'est la première fois que je présente le film devant un public français. J'espère qu'il va vous plaire, et je ne vous en voudrais pas si vous décidez de quitter la salle au milieu du film : c'est arrivé plusieurs fois en Allemagne". Heureusement, le film fait l'unanimité dans la salle. Complètement dérangeant, il renverse toutes les attentes, à l'image de son personnage principal, une jeune femme marginale qui décide de s'affirmer complètement. Elle refuse, s'assume, se déploie hors du carcan classique et revêt le manteau d'une indépendance forte, puissante et indifférente. Contemplatif et sauvage, Wild est un manifeste pour la liberté sauvage comme puissance de vie créatrice.
© Christian Hüller
Lou-Andréas Salomé, réalisé par Cordula Kablitz-Post
1933, à Göttingen. Âgée, solitaire et menacée par le pouvoir nazi, Lou Andreas-Salomé décide d’écrire ses mémoires avec le concours d’un jeune éditeur. Elle retrace d’abord sa jeunesse parmi la communauté allemande de Saint-Pétersbourg, marquée par le vœu de poursuivre une vie intellectuelle indépendante et lavée de toute obligation sexuelle aliénante. Elle évoque ensuite le trio qu'elle a formé avec Paul Rée et Nietzsche, puis son amour pour le poète Rainer Maria Rilke. Enfin, sa rencontre avec Freud. Tous ses souvenirs révèlent la vie puissante d'une femme indépendante, brillante et éprise d'une liberté pour laquelle elle se battra corps et âme.
Lou-Andréas Salomé est un exemple dans l'histoire des femmes qui rythmèrent le XXème siècle. Première femme psychanalyste, grande intellectuelle et philosophe brillante, elle sera d'une grande influence pour les penseurs de son temps, Nietzsche et Rilke en première position. Le biopic romancé signé par Cordula Kablitz-Post souligne bien son influence sur le milieu intellectuel, mais il décide surtout de mettre l'accent sur des dimensions plus personnelles de sa vie, comme la perte de son père, la relation tumultueuse avec sa mère, les relations compliquées qu'elle entretient avec les hommes, le mariage blanc dans lequel elle vivra une grande partie de sa vie... Une vie rapportée presque exactement dans le film, que l'on aurait aimé plus nourri des idées philosophiques et psychanalytiques de la principale intéressée. On ne fait malheureusement que les entrevoir au milieu des tumultes de son existence, qui parlent déjà beaucoup de qui était cette femme et de son importance : Libre, indépendante, intellectuelle, elle aura remis en cause nombre d'a prioris sur la condition féminine. Et le film montre bien à quel point le simple fait de vivre sa vie comme elle l'entendait aura permis d'ouvrir à nombre de femmes une voie jusque là inexistante.
Fermeture / Les trois lumières, réalisé par Fritz Lang - Musique de Raphaël Marionneau. (Ciné-concert).
"Mon but, c'est que vous parveniez à oublier que je suis là, et que ma musique s'intègre parfaitement au film" annonce R. Marionneau pour introduire la séance des Trois Lumières de Fritz Lang. C'est un pari réussi pour le DJ nantais qui depuis dix ans, sélectionne avec brio de la musique pour accompagner l'image. Loin de dénaturer le film ou de le moderniser à outrance, la bande-son de Marionneau, tout au contraire, le sublime et accentue l'émotion, tout comme la pesanteur qui imprègne ce chef d'œuvre du cinéma allemand.
Camille Poirier & Julie Elisabeth Albesa.