Inscrite dans une série d’expositions consacrées à la présentation de travaux (parfois en cours) d’artistes en résidence de postproduction au Centre Photographique d’Île-de-France, la troisième édition de Les Précipités nous offre, jusqu'au 17 juillet, le regard singulier de trois photographes : Marina Gadonneix, Marie Quéau et Silvana Reggiardo.
Vue de l'exposition Les Précipités # 3 (détail: vue de l'exposition Entre la plume et le marteau)
© Aurélien Mole
Sur une proposition commune, Marina Gadonneix et Marie Quéau s’unissent dans un dialogue photographique sans conflits. A l’instar du titre de l’exposition [Entre la plume et le marteau] qui fait référence à la théorie sur la chute des corps de Galilée, cette union – si elle peut sembler paradoxale – instaure une conversation homogène sur la part de fiction qu’il y a dans la représentation du réel. Les similarités formelles et les intérêts conceptuels de leur travail photographique constituent avec justesse la cohérence de leur accrochage. Réunies autour d’un monde abandonné au mystère, Marina Gadonneix et Marie Quéau présentent une suite d’images composées d’objets, de vues et de formes dont le contexte semble troubler la narration. La carcasse d’une construction énigmatique capturée par Marie Quéau côtoie une image (Sans titre (tornade), 2015) de Marina Gadonneix dans une correspondance formelle subtile.
Un univers composé des incertitudes scénaristiques de la science fiction, une des sources dans laquelle vient puiser l’art de Marie Quéau, habité par une tension qui oscille entre réalité et illusion. Le travail de Marina Gadonneix est gorgé de ce glissement temporel et cette instabilité de vérité. En témoigne ses images extraites de la série Phénomènes, retranscriptions d’un lyrisme inquiétant des laboratoires comme lieu d’expérimentation. Pour la photographie Sans titre (foudre) l’artiste semble s’être immiscée dans un lieu d’expérience où sont reproduits des phénomènes naturels tels que la foudre. Dans un jeu d’échelle toujours troublant, elle questionne la construction de la représentation et ses imparables leurres.
Sans titre, extrait de la série Odds and ends, 2013 © Marie Quéau
Isolée dans un espace tout aussi grand et lumineux, Silvana Reggiardo dévoile un ensemble d’œuvres photographiques intitulé Effet de Seuil. Le titre de cette proposition d’un travail toujours en cours d’élaboration évoque l’instant où la surface sensible, imprégnée de lumière, révèle l’image photographique. L’exposition propose ainsi une variation de clichés que l’artiste a constitué au fil de ses errances urbaines. Ce paramètre presque imperceptible révèle une collection de vues fragmentaires d’architectures vitrées (vitrines, baies vitrées, fenêtres, etc) entre figuration et abstraction. Fascinée par les jeux optiques de la transparence et de ses imperfections (tâches, traces, dépôts, reflets, etc), l’artiste dresse un nuancier de verres chargé d’images à la lecture trouble. Renforcées par la luminosité du lieu et par le choix volontaire de verres qui ne sont pas antireflets, certaines photographies semblent à peine se révéler : un paramètre qui fait sens mais qui accentue aussi le sentiment de frustration du spectateur face à son propre reflet.
Effet de seuil, Série Effet de seuil
© Silvana Reggiardo