Du 17 juin au 31 juillet, la Loo & Lou Galerie accueille les travaux étranges du peintre-sculpteur Olivier de Sagazan. A cette occasion, l'artiste offrait ce mercredi 15 juin une performance solaire au Théâtre Déjazet.
Elle s'avance et s'élance, se dessine et s'anime, costumée du noir et du charbon des nuits. La silhouette d'Olivier de Sagazan se détache sur trois panneaux de fer, suspendus par de longs anneaux en métal entremêlés. Au sol et devant lui, une boule de glaise claire et quatre bols en argent. Du rouge, du talc, du noir, de l'eau. Simpliste exposition pour explosion fulgurante.
Vie d'un art mourant et naissant simultanément
Cet homme qui s'offre sur scène n'est plus celui qu'il donnait l'impression d'être. En s'étalant la glaise sur le visage, en dessinant au pinceau et à la main des traits qui ne sont plus les siens, en se déshabillant dans un accès de rage et en déchirant les lambeaux de peau qui pendent à son cou, l'être s'efface. L'obsolescence de ce corps en formation est programmée par le matériau même qui s'emploie à sa construction. L'argile se mouille et s'apaise inégalement, s'attache et s'enfuit sans le bruit d'un corps qui se meurt. Les traits se tordent et cet être mouvant tantôt ressemble à un canidé malheureux, tantôt à une bête folle qui ne saurait s'extraire d'une chair qui lui pèse.
« Plus loin, VA PLUS LOIN », « Dors, dors, allez DORS », « Mais qu'est-ce que ça veut dire... ». Cette étrangeté prie comme un pape qu'on aurait damné, marmonne les sorts d'un chaman possédé, élance ses bras contre le fer éprouvé et se frappe comme pour se convaincre que le pouvoir est gagné. Le pouvoir sur lui-même, le pouvoir sur l'inanimé auquel seule sa chair offerte pourrait parvenir à donner la vie. La chair d'un peintre qui se substitue à son échec artistique. N'ayant pu donner la vie à sa création, ce Frankenstein de l'argile devient une œuvre qu'il fait sienne, recouvrant son corps de la glaise divine, recouvrant ses identités de la danse du (dés)espoir.
Sensualité d'identités multiples
Diverses, ses persona s'entrechoquent violemment, se prennent dans les bras, s'autodisciplinent, se grondent et se pardonnent. Tour à tour elles font rire, donnent la vie et s'ébrouent dans la matière. Olivier de Sagazan est impressionnant de sensualité souvent, de violence parfois, et de talent toujours : organique et sexuelle, animale et extatique, la performance éblouit par sa brutalité crue et par la multiplicité des visages qu'elle suggère et soustrait aussitôt. Son honnêteté artistique, sans paroles, ne manque pas de faire résonner en nous les mots d'Antonin Artaud, présents comme un mantra sur le site de l'artiste : « le visage humain n'a toujours pas trouvé sa face et c'est au peintre à la lui donner ».
Informations pratiques
Vous pouvez retrouver l'artiste sur son site Et du 17 juin au 31 juillet Exposé à la galerie Loo & Lou 20 rue Notre-Dame de Nazareth 75003 Paris