Avec l’œuvre in situ SolarWind de Laurent Grasso, commandée par la ville de Paris, la rive gauche s’éveille.
Deux imposants silos du centre de distribution de l’entreprise Calcia (de quarante mètres de hauteur et de deux fois vingt mètres de largeur) s’élèvent, illuminés depuis le 25 janvier dernier par un véritable ballet de couleurs. Dès que la lumière du jour croît, Solar Wind s’anime et embrase, dans un mouvement continu, les deux imposantes structures. L’installation de Laurent Grasso, faite de projections lumineuses, teinte les cylindres de formes mouvantes, algorithmes colorés d’une ville en constante mutation. Les automobilistes du périphérique et les habitants du quartier assisteront, pendant au moins dix ans, à ces projections boréales.
Science et poésie boréale
Ce jeu lumineux, aboutissement de quatre années de recherche en collaboration avec l’observatoire des sciences, porte une démarche aussi bien scientifique que poétique. Pensée comme un baromètre de la météo de l’espace, elle retranscrit, par des calculs bien compliqués, l’activité solaire. La projection des couleurs se fait par LED, panneaux méticuleusement étudiés pour ne pas éblouir les automobilistes.
Techniquement le processus est intelligemment fondé et la portée philosophique en est tout aussi intéressante. Fasciné par la place que laisse la science aux doutes, aux peurs et aux croyances relatives à la connaissance de notre univers, Laurent Grasso inscrit ce travail dans une histoire particulière : l’éruption solaire qui a frappé le Canada en 1989.
Le 9 mars 1989, une bulle de plasma se forme à la surface du soleil, explose et déclenche sur terre une tempête géomagnétique (variation du champ magnétique terrestre, déboussolement des boussoles, perturbation de la propagation de certaines ondes et apparition d’aurores polaires). C’est ce dernier effet qui séduit l’artiste. Les aurores polaires (nommées aurores boréales dans l’hémisphère nord et aurores astrales dans l’hémisphère sud) ont fasciné l’homme depuis toujours. Messages célestes, animaux fantastiques, présages funèbres, elles délaissent aujourd’hui leurs explications mythiques pour signifier l’inconnu. Pour l’artiste, ces formes énigmatiques, traçant dans le ciel des dérobées colorées, symbolisent ce que l’on ne saisit pas, ce que l’on admire sans comprendre. L’image de ces mouvements évoque les mystères persistant que la science est encore incapable de percer.
C’est une œuvre à la parole scientifique que la Mairie de Paris a choisie. Cette pièce pérenne, l’une des commandes les plus importantes depuis des décennies, occupe l’espace urbain en toute majesté et offre une double lecture : une chorégraphie lumineuse cachant un questionnement profond sur les fondations du savoir.
Une œuvre à la portée de tous, permettant à l’art contemporain de révéler, au cœur de la ville, la poésie scientifique de la nature.