Docteur en philosophie de l'université Paris VIII, Alain Deneault est professeur de Sciences-Politiques à l'université de Montréal. Après s'être intéressé aux pratiques douteuses de certaines compagnies minières dans les pays en développement, et avoir démontré la participation active du Canada en tant que plate-forme offshore, il s'intéresse aujourd'hui à la médiocratie, en tant que régime de gouvernance, dans nos sociétés.
La médiocratie comme régime c'est l'avènement du médiocre, du moyen, du sur-place. L'auteur est volontairement provocateur, et ce dès la première page : « Ne soyez ni fier, ni spirituel, ni même à l'aise, vous risqueriez de paraître arrogant. Atténuez vos passions, elles font peur. […] Il faut penser mou et le montrer, parler de son moi en le réduisant à peu de chose. » Il s'agit en effet de faire prendre conscience au lecteur de ce qu'est la réalité, de se mettre à la place de ceux qui gouverne. Et surtout de voir pleinement un phénomène qui touche tous les aspects de la société.
Pour étayer son propos Alain Deneault décrypte trois aspects, pour lui essentiels, de la médiocratie : « Le ' savoir ' et l'expertise », « Le commerce et la finance », « La culture et la civilisation ». Chacun se répondant comme deux faces d'une même pièce : l'une réelle, l'autre biaisée, rendue médiocre. S'attaquant à l'Université, précepteur de la médiocratie, aux financiers, corrupteur de la démocratie en médiocratie, et aux artistes, et pseudo-artistes, visages soumis de la médiocratie, l'auteur s'attaque à la médiocrité comme forme de gouvernement et de culture. Avec un quatrième chapitre sur « La révolution : rendre révolu ce qui nuit à la chose » il propose de concevoir une alternative, mais sans propositions concrètes.
Alain Deneault en utilisant des exemples, et des arguments, à la fois français et canadiens, nous permet de mieux comprendre la place que prend son concept de médiocratie dans le monde entier. Par l'exemple multiculturel l'argument n'en prend que plus de poids.
Se lisant facilement, cet essai, qui a pour vocation la critique d'une société qui s'enfonce dans la médiocratie, remplit totalement son rôle. Aujourd'hui les écrits critiques sont nombreux, et « La médiocratie » d'Alain Deneault s'inscrit dans cette mouvance, mais par son style d'écriture, ces exemples, l'optique de la médiocratie, son essai propose un angle nouveau et différent.
La médiocratie, Alain Deneault, éd. Lux, 224 pages, 15 €