18 octobre 2007. Benazir Bhutto, ex-premiere ministre et présidente du Parti du Peuple Pakistanais (PPP) revient d’un long exil. Entre actualité et mythes pakistanais, Bina Shah dresse le portrait de la jeune première ministre assassinée en 2007 et celui d’un jeune révolté.
Régularité de métronome dans ce roman, on jongle entre un chapitre au présent, un autre au passé. La romancière construit son ouvrage sur le Sindh, la dynastie Bhutto et l’une des provinces pakistanaises les plus féodales, tout en permutant entre passé-présent. Une histoire dans l’Histoire.
Le récit au présent est incarné par Ali Sikandar. Jeune journaliste, il vit dans un mensonge qu’il a fabriqué, racontant que son père est mort. Mais en vérité, Hussein Sikandar, un zimandar (propriétaire terrien) a déserté le foyer familial pour prendre une seconde épouse. Un épisode difficile à accepter pour le jeune homme qui s’enferme dans ses mensonges. C’est pour cette raison qu’il refuse de s’identifier aux zamindars, une bande de « féodaux » dont fait partie son père. En plus de ça, il tombe amoureux de Sunita, une jeune hindoue et s’enferme rapidement dans le déni.
Comme Bénazir, Ali est un héros déchiré, qui incarne tous les questionnements d’un pays à la dérive. Militant, il hésite entre la fuite aux Etats-Unis et l’engagement pour son pays. Il est même prêt à abandonner celle qu’il aime pour fuir ce pays à la dérive.
Du côté du passé, on est transportés autour des grandes figures du Sindh et des colons britanniques. Dans ces poèmes anciens, encore cités aujourd’hui, on parle d’émotion des femmes, habitantes de cette province considérée comme l’âme du Pakistan, le Pendjab. Ils racontent l’histoire de sept reines, des héroïnes qui incarnent l’honnêteté, la fidélité mais aussi le courage et la volonté de tout risquer. Ces destins influencent encore les femmes du Sindh et les encouragent à chercher la liberté et la vérité.
Mais La huitième reine est avant tout un roman politique dont Benazir Bhutto est l’héroïne. A la fin du livre, on assistera à la lente marche de la première ministre, vers sa propre mort. Le roman se déroule sur un laps de temps court. Il s’ouvre sur le retour à Karachi de la dernière héroïne du clan Bhutto à l’automne 2007 et se termine sur son assassinat, le 27 décembre 2008. Envoyé par une chaine de télévision, le jeune Ali se trouve aux premières loges. Contrairement à son père, il n’aime pas particulièrement Benazir. Mais à travers ses yeux, ses pensées, on comprend rapidement qu’il y voit, grâce à elle, une possible rédemption pour le Pakistan. Et peut-être aussi la sienne ?
A travers ce roman, Bina Shah signe un nouveau chapitre de l’Histoire de son pays.
La huitième reine, Bina Shah, Actes Sud, 23 euros