L’Enfant des marges raconte la quête menée par un homme, Ioan, la soixantaine, ancien photographe renommé pour ses clichés réalisés en zones de guerre, à travers le Barcelone des marginaux, des indignés, des artistes et des laissés pour compte. Replié dans un mas des Cévennes après la mort en mer de son fils, l’homme est extirpé de son exil par la force des choses. Son petit-fils, Valentin, est porté disparu dans le tumulte de la capitale catalane.
Comme à l’accoutumé, on retrouve chez Franck Pavloff le désir de raconter l’ouverture d’un homme seul et blessé par la vie. Pour ce nouveau roman, l’écrivain déplace habilement le récit dans une ville à l’image du personnage principal. Comme Ioan, Barcelone vît un présent marqué par les douleurs et les démons du passé. Où l’Histoire avec un grand H tire les ficelles des histoires de chacun. C’est là la grandeur du roman évoqué. Dans cet exil intérieur, cette mort sociale qui a coupé Ioan du monde, on retrouve les traces d’un passé douloureux qu’on n’oserait affronter. La disparition de Valentin sonne, a priori, comme une terrifiante épreuve. Elle se révèlera beaucoup plus surprenante et stimulante pour ce personnage qui réapprend à vivre.
D’un mot à l’autre, Pavloff nous amène à croire que le destin nous rattrape, et qu’il nous est donné le choix de faire une croix sur notre passé qu’à l’unique condition d’avoir parcouru le chemin de la compréhension.
Dans ce roman d’apprentissage, plein d’optimisme sur le rapport aux autres et l’éternelle jeunesse, Pavloff prend le temps de la description, soigne le détail, et ne se trompe pas d’intrigue. Jamais de sensationnalisme, mais un parcours initiatique mis en valeur par le choix du style. De la description des paysages, témoin de l’harmonie entre l’homme seul et la nature, à la fidèle retranscription de l’effervescence catalane, les mots ne s’épuisent jamais et on touche du doigt le décor planté par l’auteur. Passé le vertige du retour à la civilisation, Ioan se libère, et la plume de Pavloff avec lui. Pointes d’ironies dans les moments d’ivresse, associations brumeuses à la lueur d’un espoir abandonné, le tout sonne juste et les certitudes vacillent.
Pour ce qui est de Barcelone, la connaissance des lieux est un atout indéniable dans cette course aux réponses qui balade le personnage principal aux quatre coins de la ville. Les amoureux de la cité Blaugrana reconnaîtront surement les trésors architecturaux décrits par l’auteur, replongeront dans la turbulence des quartiers populaires, le bouillonnement des avenues touristiques. Ils découvriront également le Barcelone plus underground, les codes d’une jeunesse marginalisée mais non sans idée, les facettes méconnues des monuments qu’ils pensent pourtant connaitre sous tous les angles. Le tout orné de références culturelles précieuses, où littérature, cinéma, et musique sont liés par ce qu’ils procurent. Le lecteur voyage, dépasse les frontières catalanes, sans jamais quitter des yeux le destin de Ioan. Car c’est avant tout cela dont il s’agit. D’une histoire singulière qui pourrait être la vôtre. Celle d’un Homme, perdu dans l’Histoire comme dans sa propre existence, d’une renaissance au gré de situations qu’il pensait à jamais oubliées.
