On rit, on est surpris, on a peur parfois et on réfléchit aussi. Voilà une exposition des plus complètes, originales et chouettes et pleine d'adjectifs et superlatifs mélioratifs que nous propose jusqu'au 11 juin la galerie Da-End. Le quartier Saint-Germain accueille Louis Nieto, artiste polyvalent, jongleur du réel et poète de l'atroce.
L’apocalypse de Nieto ou ébauches d’un thaumaturge constipé, c'est le titre, et que les choses soient claires, avec un tel nom, on s’attend à rire.
Quelques marches abruptes, une odeur d’encens, des murs noirs, des formes qui bougent et du bruit, le décor est planté, il n’est pas commun et on adore ça ! Si certains se sont risqués à l’originalité pour s’écraser bêtement, Nieto jubile d’un génie pervers. Complètement décalée, l’œuvre de ce jeune artiste colombien (né en 1979) détonne. Riche de références diverses et variées allant de la religion (mythologie antique, christianisme, chamanisme…) aux sciences du vivant en passant par une critique acerbe de tout ce qui semble pouvoir être critiqué, son univers est, bien que dérangeant, d’une finesse et d’une technicité bluffantes.
Travaillées, précises, les œuvres de Nieto ont le souci du détail. Modification du réel, intrusion d’un imaginaire fou, si fou et tellement bien fait que l’on y croirait presque. On bondit de plaisir d’œuvre en œuvre. Une tête de cochon découpée, une Barbie vieillie, mère perdue dans l’espace, un œil dans une boite qui lit un livre minuscule avec en fond les images étranges d’un Gainsbourg dansant, des totems, une peau de lynx où sautent, grossies à la loupe, des puces excitées, et les survivances du perversionnisme, mouvement colombien et pervers jouant avec le sang, se fichant de l’éthique et profitant de la liberté moquée de l’artiste pour s’abandonner à des jeux délicieusement affreux…
On ne voudrait pas en dire trop pour ne pas gâcher l’effet de surprise de cette exposition hors des carcans du white cube, que la galerie Da-End a couillument mise en place. Pour autant, vous découvrirez la palette talentueuse de cet artiste, maître des effets spéciaux qui impulsent à ses pièces une vie absurde résonnant étrangement avec ce que l’on peut observer quotidiennement.
Questionnements sur la place des animaux, sur leurs traitements, sur l’anthropocentrisme, sur la violence, sur beaucoup de violence, sur le détournement des images, sur l’acceptation de l’autre, sur le jugement, sur la morale, sur la vérité, sur les médias… sur mille choses et ce avec un humour complètement absurde et toujours juste. Franchement, allez-y, ça fait du bien de voir une telle richesse. Et ça fait encore plus du bien de rire en réfléchissant.
© Galerie Da-End
© Galerie Da-End
© Galerie Da-End