Au cœur des collections permanentes viennent s'accrocher jusqu'au 18 septembre des toiles dures. Jacques Grinberg (1941-2011) peint avec force les tourments d'une vie que les guerres, l'oppression et les entraves libertaires ont scandé.
Régulièrement, le Musée d'Art Moderne de la ville de Paris renouvelle dans leurs collections l'accrochage de la salle 14bis, offrant au gré des acquisitions muséales et des dons de particuliers, un regard neuf sur une production souvent méconnue. C'est le travail perçant, brutal et menaçant du peintre bulgare Jacques Grinberg qui est aujourd'hui présenté.
Figuration de la dureté
La vie tumultueuse de cet artiste ayant traversé les camps nazis, les guerres, les révolutions politiques et les tumultes sociaux transpire frénétiquement dans ces peintures. Ce devoir de dénoncer les affreusetés, ce besoin vital de montrer l'horreur, de crier sur la toile les injustices, les immondices des hommes envers leurs frères est puissamment retranscrit. La maîtrise chromatique et l'urgence du trait en font état. Les peintures de Jacques Grinberg, qu'il ne signe que de son prénom, portent en leur cœur tissé l’expression de la nouvelle figuration. A l'heure où l'abstraction était la nouvelle forme langagière, révolution artistique des années 60, l'artiste a su partager avec poigne et fougue sa vision figurative du monde.
Violence chromatique d'un monde en souffrance
Les pièces acquises grâce aux dons de sa famille se découvrent d'un coup d'œil, prennent au cœur, et continuent de saigner en nous. Le regard est présent, perçant presque accusateur, comme si l’artiste pénétrait dans ce qui nous est le plus intérieur. Central dans Le rhinocéros, il fixe le visiteur. Plus schématique dans Guerre d’Irak, il est cynique et synonyme de mort.
Un enfant couché en position fœtale, poignardé au ventre, git en plein centre d'une toile pâle. Yeux bandés de noir, corps agonisant et poignard planté tracent la dureté d'une liberté meurtrie. Liberté d'expression entachée qui sera révélée plus tard dans sa célèbre toile, La censure. Une série bi-chromatique d’encre sur papier témoigne d’un langage nouveau. Géométrie spéciale, volumes en élévation, les formes se dressent en idéogrammes de l’atroce.
La violence est partout. La mer, peint en 1971, témoigne d'une palette crue, qu'il déclinera toute sa vie. Rouge, jaune, noir, bleu, les couleurs qu'il emploie n'ont d'égal que la franchise de son propos. Un propos fort et social, qui raisonne d’autant plus par les temps que nous traversons.
Cette salle où n'est présenté qu'un extrait infime de sa production permet d'entrevoir la puissance de ce travail vivide. Un travail où l’émotion de l’artiste est palpable et son travail, animé et vindicatif.
L’enfant, 1963, Huile sur toile, 73 x 92 cm, DON, © Arnaud Legrain
La vache et le bourgeois, 1964, Huile sur toile, 130 x 97 cm, DON, © Sylla Grinberg
La mer, 1971, Huile sur toile, 114 x 146 cm, DON, © Arnaud Legrain
Sans titre, Vers 1988, Gouache sur papier, 76 x 56 cm, DON, © Sylla Grinberg
Avant Jacques Grinberg, on pouvait trouver dans cette petite salle le travail poignant de Hug Weiss.
Jacques Grinberg, "Un peintre sans concession", Musée d'Art Moderne de la Ville de Paris, 11 avenue du Président Wilson, 75116 Paris Jusqu'au 18 septembre