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Internationales Graphiques : Les Histoires de l'affiche politique de 1970 à 1990

13 avril 2016, par Untitled Magazine

Trois ans après l'exposition « Affiche action », qui retraçait l'histoire de l'affichage militant de la révolution de 1789 à 1968, la BDIC (Bibliothèque de Documentation Internationale Contemporaine) revient dans son exposition « Internationales graphiques » sur les affiches politiques qui ont rythmé les années 1970 à 1990. Une plongée dans l'histoire du graphisme militant international proposée au musée des Invalides, et ce jusqu'au 29 mai 2016.

Alfredo Rostgaard, "Nixon" 1972 Alfredo Rostgaard, "Nixon" 1972

L'exposition, très bien organisée, se focalise principalement sur le travail des graphistes professionnels à l'international. Un travail dont les thèmes vont trouver un écho entre les pays, avec des motifs phares comme la colombe, le déjeuner sur l'herbe de Manet ou une photo de Pinochet. Elle se décompose en trois sections : la première section, circulations graphiques, se concentre sur les influences, la formation et l'héritage des artistes ; la seconde, mobilisations internationales, se focalise sur la prise d'indépendance des graphistes qui décident de défendre les causes qui leur sont chères ; enfin, la troisième section, les péripéties de la commande, s'intéresse aux relations mouvantes entre commanditaires et graphistes. On rencontre des artistes et collectifs de tous les pays, d'Alain Le Quernec en France à Milton Glaser aux Etats-Unis en passant par le collectif Wild Plakken aux Pays-Bas. Une somme époustouflante permise par les fonds touffus de la BDIC, dans un cadre très étonnant : le musée de l'armée pour parler d'engagements pacifistes, il fallait y penser. 

Antonio Pérez "Hasta la victoria siempre", 1968 Antonio Pérez "Hasta la victoria siempre", 1968

La première section montre comment, à travers des affiches de Lissitzky et de John Heartfield, l'affiche politique nait majoritairement d'un lourd héritage historique. Un héritage qui se cristallise en 1968, année charnière qui permet de contextualiser la période 1970-1990, marquée par une grande volonté d'expression autour de brûlants sujets d'actualité comme la guerre au Vietnam, le féminisme, les JO de Mexico... L'exposition rappelle l'influence de la Pologne avec des artistes comme Romans Hevsky, Roman Cieslewicz, Julian Palka... Une influence qui a pu se diffuser, comme dans beaucoup de pays, grâce au support papier de revues comme « La pologne », qui ont permis aux affiches de circuler internationalement et d'influencer nombre d'artistes. Cuba a aussi joué un grand rôle dans l'histoire de l'affichage politique, notamment autour de la révolution de Castro en 1959 : les affiches deviennent alors vecteur de l'exportation de la révolution. Elles deviennent aussi un moyen privilégié pour la conférence tricontinentale (aussi connue sous l'acronyme OSPAAAL) de faire entendre la voix des pays non alignés. On est très loin du « graphisme pour le graphisme », et l'exposition réserve une petite alcôve pour mettre en lumière le rôle de la formation dans l'orientation prise par les graphistes : l'institut de l'environnement en France ou encore l'école des beaux arts de Varsovie, dont sont issus les deux fondateurs du collectif Grapus qui a décidé de faire du graphisme un outil d'utilité publique.

Grapus, "Apartheid, racisme, le cancer du monde" 1986 Grapus, "Apartheid, racisme, le cancer du monde" 1986

Wild Plakken, "Blanck", 1994 Wild Plakken, "Blanck", 1994

La deuxième section, Mobilisations internationales, éclaire la prise d'indépendance des graphistes au milieu des années 70. On dénonce la guerre du Vietnam avec des motifs qu'on retrouve chez différents artistes comme le chapeau chinois, qui devient l'épitomé de la guerre, et qui se transforme ensuite dans une affiche du collectif Wild Plakken en symbole de l'interventionnisme américain. On s'attaque au racisme et à l'apartheid avec Ungerer, l'OSPAAAL et le collectif Wild Plakken : on joue sur les mots chez Wild Plakken avec l'affiche « Bl(anc)k » pour évoquer l'Apartheid et chez Grapus pour dire y dire non... On s'insurge contre Pinochet après son coup d'Etat en 1973, on rappelle la révolution des Oeillets au Portugal et la guerre civile au Sri Lanka. On découvre aussi qu'Amnesty International était un grand commanditaire d'affiches ; du politique engagé au pacifisme affirmé il n'y a qu'un pas, et des graphistes comme Klaus Staeck, Milton Glaser ou le collectif Grapus choisissent la colombe pour signifier la paix. On découvre aussi des liens entre sport et politique avec une affiche de Le Quernec, qui dénonce la dictature en Argentine à l'occasion de la coupe du monde de football de 1978... Les graphistes s'engagent, font peser le poids des mots et le choc des affiches sur la conscience des instances qu'ils ont choisi de dénoncer.

Wild Plakken, "El Salvador geen tweede Vietnam" (le Salavador, pas de deuxième Vietnam), 1982 Wild Plakken, "El Salvador geen tweede Vietnam" (le Salavador, pas de deuxième Vietnam), 1982

Alain Le Quernec Alain Le Quernec

S'ils semblent prendre leur indépendance, la troisième section de l'exposition, Les péripéties de la commande, vient rappeler à nos yeux attentifs le rôle des commanditaires dans l'orientation prise par les graphistes. A partir de la campagne de Mitterrand en 1981, la commande politique délaisse de plus en plus les graphistes indépendants pour les agences de communication. Les campagnes de fond (dont Claude Baillargeon se fera l'un des meilleurs soldats) et les commandes associatives et culturelles vont alors concentrer le plus gros de la production graphique. L'exposition dévoile à l'occasion les désaccords houleux qui ont pu bercer les relations entre commanditaires et graphistes : le collectif Grapus a par exemple été poussé à réaliser deux épreuves pour une commande du PCF concernant la marche pour le désarmement, la première ayant été considérée comme trop violente par ce dernier. Quelles mijaurées ces communistes ! Si la pratique artistique graphique se voit fortement influée par les infléchissements des commanditaires, elle se voit aussi modifiée par une perte de l'espace public et par un plus gros investissement des cercles plus restreints. Les affiches politiques se limitent rapidement aux campagnes électorales : on découvre les affiches de Rambow pour Die Grünen en Allemagne, celles de le Quernec qui fait de la Bécassine un personnage féministe pour le PSU Bretagne et celles du PCF qui rajeunit son image grâce au graphisme osé de Grapus. Puisque la commande politique se fait plus sporadique, l'affiche prend une forme sociale et renvoie aux questions contemporaines de la crise du logement, du chômage chez les jeunes, du droit des homosexuels et du droit des femmes. Elle épouse aussi des formes plus culturelles, avec une importante production autour des affiches de théâtres, des commandes de grandes structures comme le centre Pompidou qui ouvre en 1977, des ambitions plus privées ayant pour objectif la production de posters... Le geste politique devient alors celui de l'individu qui choisit d'acheter une affiche parce qu'elle est en concordance avec ses opinions.

Gunther Rambow, campagne pour le parti Die Grünen en Allemagne, 1983 Gunther Rambow, campagne pour le parti Die Grünen en Allemagne, 1983

Claude Baillargeon, "La chômage me vide" 1990 Claude Baillargeon, "La chômage me vide" 1990

Grapus, "Attention au travail. Théâtre de la Salamandre" 1979 Grapus, "Attention au travail. Théâtre de la Salamandre" 1979

Une exposition très bien ficelée, organisée intelligemment et qui nous plonge sans nous assommer dans les tréfonds d'une histoire politique mouvementée, racontée à travers les yeux des graphistes les plus connus et les plus doués de leur époque, de Cuba aux Pays-Bas, du constructivisme au psychédélisme.

Milton Glaser, poster for Bob Dylan's album Greatest Hits, 1968 Milton Glaser, poster for Bob Dylan's album Greatest Hits, 1968

"Internationales Graphiques, Collection d'affiches politiques de 1970 à 1990"

Jusqu'au 29 mai 2016

A l'hôtel National des Invalides, 129 rue de Grenelle 75007 PARIS




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