Pour son premier documentaire, Eugénie Dumont présente les aborigènes d’Australie face à leur avenir. Alors que la plus grande usine à gaz au monde s’apprête à être implantée sur leurs terres, le peuple Goolarabooloo et les habitants du village de Broomee créent un groupe pour contrer les promoteurs. Sur place, Eugénie Dumont filme les conflits, la violence et la volonté de ces hommes et femmes qui luttent pour conserver leur héritage et leur patrimoine.
Comment avez-vous eu l’idée de ce premier documentaire ?
J’ai lu un livre sur la culture aborigène : « Message des hommes vrais au monde mutant : une initiation chez les Aborigènes » de Marlo Morgan. C’était passionnant de découvrir ce peuple innocent. Contrairement à toutes les autres cultures aborigènes, ceux d’Australie sont les seuls à ne pas prendre de plantes psychotropes pour être en connexion avec la nature. Ca a piqué ma curiosité et je me suis sentie en colère vis-à-vis de la société dans laquelle je vivais en France. Je suis partie pour Sydney, qui m’a déçue, et sur place j’ai acheté un 4x4. Je me suis baladée dans tout le pays et j’ai découvert le village de Broome. C’est un village différent où blancs et aborigènes vivent ensemble et communiquent.
Sur place, un homme m’a dit « tu sens bon », j’ai été acceptée petit à petit et j’ai ensuite rencontré Teresa Roe. Je n’ai pas vraiment décidé de faire ce film. C’est venu à moi. J’ai compris la menace qui pesait sur eux. Je voulais vraiment être dans le partage. Je suis partie en quête d’une communauté avec qui je pouvais partager des choses en venant avec mon matériel vidéo.
Comment se sont passés les repérages et le tournage ?
C’étaient des mois lents et longs. Il m’a fallut oublier tout ce que j’avais appris depuis l’enfance. J’ai pris le temps de méditer. Une amitié se fait à l’échelle d’une vie, il a fallut apprendre le mode de vie aborigène. J’ai eu quelques frustrations. Néanmoins, j’ai découvert que la vie est délicieuse, lente et belle car nous sommes faits pour des rythmes lents.
Le corps à corps entre les mercenaires de la compagnie et les habitants de Broome pendant le tournage. Il fallait prendre le temps de casser la routine et ne pas oublier l’objectif. Quand on s’éloigne du front des hostilités, tout était très paisible.
Que pouvez-vous nous dire au sujet de Louise Middleton ?
Louise est le bras droit de Joseph Roe. Elle a éveillé les consciences à Broome. Elle a payé les moyens de télécommunications. C’est une personne lumineuse. Elle m’a expliqué qu’elle sentait la terre se servir d’elle comme un canal. Elle était comme possédé. C’est une dure à cuir et c’est d’ailleurs la dernière personne que j’ai pu interviewer. C’est ma mère spirituelle. J’ai habité chez elle pendant le tournage.
La musique est un personnage fort du film, comment l’avez-vous choisie ?
Je voulais du didgeridoo, c’est un instrument qui vient de l’est de l’Australie. Ce sont deux boomerangs que l’on tape. Cela fait des vibrations enivrantes. Je voulais l’exploiter au maximum pour ce film. La musique a été faite par une artiste française. C’est un artiste australien qui a en revanche composé la musique classique. J’ai voulu créer une danse, un affrontement entre les deux styles : le tribal et le style colonial.
Avez-vous toujours des contacts avec les habitants de Broome ?
Oui, je vais les voir au moins une fois par an. C’est ma famille. Il y a aujourd’hui de nouvelles menaces comme le gaz de schiste à l’est. Les habitants s’organisent pour monter de nouveaux camps sur place.