Né en 1912, Fernand Pouillon passe sa jeunesse à Marseille. Attiré par la peinture depuis tout petit, il fréquente l’école des Beaux-arts de Marseille. Il monte à Paris s’inscrire clandestinement au parti communiste, et construit son premier immeuble en 1934. A cette époque-là, il ne faut pas obligatoirement de diplôme d’architecte pour construire. Quelques années plus tard, il reprendra ses études pour apprendre l’architecture. Comme il confie dans ses mémoires : « je suis devenu architecte par hasard ». Avec son diplôme en poche, il n’a qu’une obsession : construire pour les autres et être au service du monde, qui est alors en pleine évolution sociale.
Après l’indépendance algérienne, Fernand Pouillon fut rappelé par le nouveau gouvernement pour concevoir et construire des complexes hôteliers. Pour l’hôtel El-Riadh de Siddi Ferruch à 30 km d’Alger, Fernand Pouillon crée un mix entre le style moderne international avec l’arrondi de la piscine et l’esprit traditionnel marocain de la tour en briques. Hôtel El-Riadh, Siddi Ferruch en Algérie.1966-1968.
Une fois diplômé, c’est à 24 ans qu’il réalise son premier immeuble d’habitation, en tant qu’architecte, à Aix-en-Provence. Mais ce n’est qu’à la fin de la Seconde Guerre mondiale, que sa carrière va prendre un réel envol.
A partir de 1944, Fernand Pouillon participe à la reconstruction du Vieux-Port de Marseille, et construit de nombreux immeubles du quai du Port de la Cité Phocéenne. A la sortie de la guerre, la reconstruction donne beaucoup de travail, mais aucun chantier ne démarre, à cause des coûts élevés des travaux. Grâce à son ingéniosité, Fernand Pouillon réussit à obtenir des coûts suffisamment bas et démarre les travaux du Vieux-Port.
A cette époque, en France, le défi est de construire des habitations pour le plus grand nombre, mais surtout à bas prix. Fernand Pouillon profite de ce moment pour relever un autre challenge à Marseille: l’ambitieux projet « 200 », qui vise à édifier 200 logements populaires, en 200 jours pour un budget de 200 millions de francs. Pour réaliser ce défi, il utilise de la pierre, tout en dérangeant ses confrères qui ne rêvent que de tours et de barres de béton.
Cette construction donnera à Fernand Pouillon d’autres commandes, qui l’emmèneront toujours plus loin. Sa carrière décolle à cette époque et sa réputation dépasse alors la Méditerranée. Il renouvelle sa performance en 1953 et construit plus de 1600 logements sociaux à Alger pour les plus démunis, tout en gardant le parfait respect du style architectural local, et la notion d’espace humain.
La résidence Buffalo à Montrouge sera l’une des deux premières opérations réalisées par la CNL (Confédération Nationale du Logement). Alliant des bâtiments hauts et des bâtiments bas, elle est construite en pierre calcaire, et tient son nom de la célèbre arène sportive de l’avant-guerre dont Pouillon avait obtenu la destruction. Résidence Buffalo, Montrouge avec Roland Dubrulle.
Attentif à l’environnement bien avant ses congénères, on peut dire que Fernand Pouillon fut le précurseur du développement durable. A chaque construction, il fit appel à l’artisanat local, se servira de matériaux durables, tout en pensant aux coutumes des habitants et à l’insertion de ses constructions dans le paysage urbain ou naturel.
En 1961, Fernand Pouillon est éclaboussé par un scandale judiciaire, qui le conduit directement en prison. Avec quatre de ses collaborateurs, Fernand Pouillon est accusés de faux bilan, détournements de fonds et abus de biens sociaux ; ils sont arrêté et écroués le 5 mars 1961. Hospitalisé pour des problèmes de santé, il s’évade de la clinique un an plus tard, et reste en cavale pendant plusieurs mois. En 1963, il réapparait pour son procès, et est condamné à quatre années de prison. Libéré de prison en 1964 pour raisons de santé, et radié à vie à l’ordre des architectes, il s’exile à l’étranger pour poursuivre sa carrière. Il exercera en Algérie jusqu’en 1984, et réalisera principalement des projets hôteliers et touristiques.
Amnistié en 1971 par le président de la république Georges Pompidou, et réintégré à l’ordre des architectes français en 1978, il revient vivre en France en 1984. Il consacrera ses dernières années à la restauration du château de Belcastel, en Aveyron, où il mourra le 24 juillet 1986.
La maison métallique fut imaginée intégralement par Fernand Pouillon. Lors du chantier expérimental, les murs provisoires en parpaing sont surmontés de rails permettant de tester un possible déplacement. Une fois le montage terminé, la maison fut déplacée d’une quinzaine de mètres. Maison Métallique à Alger,1970.
A titre posthume, il reçoit en 2008 par Cherif Rahmani, ministre algérien de l’aménagement du territoire, de l’environnement et du tourisme, une distinction pour l’ensemble de son œuvre en Algérie entre 1964 et 1984.
Fernand Pouillon (1912-1986) est aujourd’hui considéré comme l’un des plus grands bâtisseurs contemporains.
« Fernand Pouillon », par Marc Bédarida, collection Carnets d’Architectes, Editions du Patrimoine, 20 €
** Article publié sur maison.com le 4 février 2013